Le bonus réparation applicable aux équipements électriques et électroniques est un dispositif innovant qui répond à une attente forte des consommateurs et des réparateurs. Mais il est « bridé », car il est encore trop peu connu et trop restrictif. Telles sont les principales conclusions d'une étude sur l'impact du bonus réparation (1) publiée ce mercredi 31 janvier par Halte à l'obsolescence programmée (HOP). Menée par deux enseignants-chercheurs, l'étude soumet une série de recommandations pour améliorer le dispositif. Elle propose notamment de simplifier son accès et de renforcer le montant des bonus versés.
Une absence de donnée préjudiciable
Faute d'avoir accès à un certain nombre de données, il est difficile de cerner précisément les freins à la réparation. HOP propose de confier au Conseil national de la réparation la réalisation d'un cadre de reporting annuel détaillé et accessibles à tous. Objectif : obtenir « des données précises, à jour et standardisées ».
Et de lister une kyrielle d'information qui pourraient faire l'objet de ce reporting : le nombre de réparateurs labellisés par taille et type ; le montant de l'enveloppe du fonds dépensé ; les prix moyens des réparations par produit et type de réparateurs ; l'évolution des différents postes de coûts de réparation par famille de produits ; ou encore des données sur le prix moyen des produits neufs.
Le bonus réparation, lancé dans les derniers jours de 2022, a permis de verser un soutien total de quelque 4 millions d'euros pour 165 000 réparations financées (soit 1,7 % des réparations hors garantie réalisées en 2023). Bien loin des 63,2 millions d'euros prévus par le cahier des charges de la filière de responsabilité élargie des producteurs (REP) d'équipements électriques et électroniques. Comment expliquer ce résultat ? « Il semble qu'il y ait un manque de demande du consommateur, plutôt qu'un manque de financement », estime Helen Micheaux, rappelant qu'une réparation éligible réalisée par un réparateur labélisé reçoit systématiquement le bonus prévu. Le problème vient donc du manque de visibilité du bonus, estime l'enseignante à AgroParisTech, co-auteure du rapport.
Concrètement, l'étude s'appuie sur les réponses fournies par 507 consommateurs et 174 réparateurs. Du côté des consommateurs, les réponses données montrent que 88,4 % des personnes interrogées ne connaissaient pas le dispositif avant de répondre au questionnaire. Et parmi ceux qui connaissaient déjà le dispositif, seuls 10 % en ont bénéficié. Pour y remédier, il faudrait « développer massivement la communication » en lançant une campagne nationale et en imposant aux fabricants et distributeurs de communiquer sur l'existence du bonus. La communication devrait aussi être harmonisée et cordonnée avec les autres bonus réparation (textiles et chaussures aujourd'hui, mobilier, jouets, articles de sport ou encore articles de bricolage à venir).
Revoir le montant des bonus
Ensuite, 85 % des consommateurs interrogés déplorent le manque de proximité du dispositif. Pour améliorer la situation, HOP recommande notamment d'améliorer l'annuaire qui référencie les réparateurs labelisés QualiRépar, le label qui donne l'accès au fonds réparation. Il faudrait, par exemple, distinguer les ateliers et les réparateurs à domicile, mieux les localiser sur une carte (et indiquer la distance à parcourir), ou encore fournir leurs coordonnées, explique le rapport.
Autre problème : 74 % des consommateurs jugent les montants des bonus trop faibles. HOP suggère d'augmenter le niveau de bonus de façon à diminuer d'au moins 20 % le panier moyen de réparation. En outre, chaque année, il faudrait évaluer l'opportunité d'augmenter les montants. Idéalement, le montant d'un bonus devrait être fixé à un niveau permettant de limiter le coût d'une réparation à 33 % du prix d'un équipement neuf.
Dans le même esprit, l'association recommande aussi de supprimer le seuil minimal d'éligibilité pour les réparations d'ordinateurs portables fixé à 150 euros par réparations (185 euros initialement). De même, le bonus devrait être élargi aux pannes logicielles, aux opérations de maintenance des matériels informatiques et aux réparations de batteries, estime HOP.
Une labélisation trop coûteuse et complexe
Quant aux réparateurs, 78,9 % de ceux qui ne sont pas labélisés ne souhaitent pas l'être. Ils jugent la procédure de labélisation trop coûteuse (74 % d'entre eux) et trop complexe (63 %). En outre, le temps de remboursement est jugé trop long par 52 % d'entre eux.
S'agissant du coût, un arrêté publié fin 2023 est venu corriger le problème : la labélisation coûtera aux artisans 200 euros pour trois ans, contre 447 euros au moment de l'étude. En revanche, « [l']étude n'a pas permis d'identifier les causes à l'origine de [la] complexité » de labélisation évoquée par les réparateurs. Elle propose toutefois de créer un dispositif simplifié pour les petites structures, partant du constat que les réparateurs indépendants qui réalisent entre 80 et 84 % de l'ensemble des réparations, ne représentaient que 22 % des réparateurs labélisés en avril dernier. Et, concernant le versement des bonus aux réparateurs, la situation devrait s'améliorer puisque la nouvelle réglementation impose un paiement sous 15 jours (contre 30 auparavant).
Reste un élément positif mis en avant par l'étude : lorsqu'ils sont labélisés, les réparateurs sont globalement satisfaits. Ils sont 40 % des réparateurs à estimer que leur labélisation QailiRépar a engendré une augmentation de leur chiffre d'affaires comprise le plus souvent entre 1 et 5 %.