Selon les derniers chiffres publiés par l'Agence Bio, l'agriculture biologique ne connaît pas la crise. Les conversions se poursuivent (+1990 en 2011), le nombre d'opérateurs croît et les consommateurs sont toujours aussi demandeurs de produits bio. En 2011 les ventes de lait sont en hausse de 10% en volume. Le beurre gagne 11% et les poulets 18%. Sans oublier la restauration collective qui a triplé ses achats bio depuis 2008, en y consacrant plus de 130 millions d'euros en 2010 contre 44 millions d'euros deux ans auparavant.
Mais cela pourrait ne pas durer. Selon une étude du cabinet Xerfi intitulé "Marché des produits biologiques" (1) , le marché bio va être soumis à rude concurrence dans les années à venir. Crise oblige, le pouvoir d'achat des ménages devrait stagner ce qui n'encouragera pas le passage à une alimentation bio qui reste plus chère. Les ventes pourraient continuer à progresser mais moins rapidement que ces dernières années. "La partie s'annonce ainsi plus difficile avec un nouveau ralentissement pour 2012 (+5% de hausse en valeur des ventes de produits bio), avant une légère accélération en 2013 (+8%)", explique Xerfi. Le cabinet remarque toutefois que le marché bio n'en reste pas moins structurellement plus dynamique que l'alimentaire dans son ensemble. "Fin 2015, le marché alimentaire des produits biologiques devrait représenter plus de 4,5 milliards d'euros, soit une hausse de 3 milliards d'euros en l'espace de 10 ans", en déduit Xerfi.
Attirés par ce dynamisme, certains acteurs de l'agroalimentaire vont vouloir renforcer leur présence et développer des offres pour des consommateurs qui se veulent "responsables". D'autres labels vont vouloir jouer la carte de la qualité, de l'éthique et surtout de la proximité tout en maintenant des prix attractifs. Après avoir capté 47% des ventes de produits alimentaires bio en France, la grande distribution va vouloir fidéliser et plus globalement se refaire une image quelque peu écornée ces dernières années.
La tendance est identique dans la restauration hors foyer. Selon le cabinet Xerfi, les opérateurs de restauration collective se sont très bien approprié l'objectif du Grenelle fixant un taux de 20% de produits bio dans les menus des établissements publics en 2012. Ils sont même allés plus loin que le bio en intégrant une dimension nutrition-santé. "Au-delà du bio, c'est la dimension « responsable » qui tend à prendre le dessus. Le bio ne constituant qu'un élément parmi d'autres d'engagement et de communication pour les groupes de la restauration collective", prévient Xerfi.
Résultat, ces acteurs "tendent à brouiller les cartes afin de bénéficier d'une demande globalement favorable à l'achat « responsable »" afin de pouvoir jouer sur tous les tableaux. Or "l'achat responsable peut être bio… mais pas seulement".
Plus bio que bio
Le cabinet Xerfi estime par conséquent que les distributeurs spécialisés vont devoir se démarquer. "Les avancées de la grande distribution alimentaire ont mis en péril leur domination du marché", estime-t-il. Selon ses prévisions, la part de marché des spécialistes tombera à seulement 30% en 2015, contre 38% en 2005.
Le cabinet prévoit par conséquent que le secteur du bio va continuer à se réorganiser autour d'enseignes historiques, fortes et reconnues qui ont tout intérêt à mettre en avant une "éthique irréprochable" comme ont commencé à le faire Biocoop et Biomonde en développant la marque Bio Cohérence, dont le cahier des charges est plus strict que celui de l'Union européenne. La mise en avant de l'aspect "local" peut également faire la différence. "Alors que les mouvements « locavores » sont en plein développement, et que le « made in France » refait surface, les réseaux spécialisés ont tout intérêt à mettre en avant leurs atouts en matière d'approvisionnement local", analyse Xerfi. Surtout que pour répondre à la demande, la France continue d'importer 35% des produits bio, notamment des fruits et des légumes.