Ce mardi 24 janvier, le comité d'administration (CA) d'EDF a validé la convention d'indemnisation négociée entre l'Etat et l'entreprise en contrepartie de la fermeture des deux réacteurs de la centrale de Fessenheim (Haut-Rhin). A terme, l'entreprise devrait recevoir au moins 500 millions d'euros. Ce premier pas vers la fermeture de Fessenheim devra être confirmé. Le CA a fixé trois conditions avant d'enclencher la poursuite du processus.
L'indemnisation d'EDF comprend une part fixe qui couvre les coûts anticipés, tels que les dépenses de reconversion du personnel et le démantèlement. Cette part fixe est estimée à ce jour à environ 490 millions d'euros, conformément à l'autorisation d'engagement adoptée fin 2016 dans la loi de finances rectificative. Une première tranche de 20% devrait être versée en 2019 et le solde en 2021. A cela s'ajoute une part variable "donnant lieu le cas échéant à des versements ultérieurs". Cette part compense le manque à gagner d'EDF jusqu'en 2041, soit jusqu'au 60ème anniversaire de la centrale. "Celui-ci sera déterminé en fonction des prix de marché et de la production du palier 900 mégawatts (MW) d'EDF, hors Fessenheim, tels que constatés sur cette période", explique l'entreprise. EnBW et CNP, les partenaires d'EDF dans la centrale, pourront à certaines conditions, recevoir une fraction de cette part variable.
L'exécutif "prend acte"
Du côté du Gouvernement, l'heure n'est pas au triomphalisme. Ségolène Royal se contente de "[prendre] acte de la décision équilibrée et progressive du Conseil d'administration d'EDF qui va permettre de nouveaux investissements industriels franco-allemands sur le territoire du Haut-Rhin". A aucun moment, la ministre de l'Environnement n'évoque la fermeture de la centrale. Par ailleurs, elle "annonce" avoir demandé "dès aujourd'hui" au ministre allemand de l'Economie et de l'Energie, de créer "une commission mixte franco-allemande pour mettre en œuvre les projets industriels nouveaux pour l'avenir du bassin d'emplois". Ce groupe, dont la création avait déjà été annoncée le 10 avril dernier, travaillera sur trois projets : une usine franco-allemande de batteries, la candidature du territoire pour l'implantation d'une usine Tesla de véhicules électriques et la mise en place d'une filière industrielle de démantèlement de réacteurs nucléaires.
Concrètement, avec ce vote, le CA d'EDF autorise Jean-Bernard Levy à signer le protocole d'accord relatif à l'indemnisation de l'entreprise. Mais le PDG d'EDF ne le signera que "le moment venu". Par ailleurs, l'entreprise rappelle que la fermeture de Fessenheim nécessite un décret abrogeant son autorisation d'exploitation. Ce dernier doit être pris à la demande d'EDF et "prendra effet lors de la mise en service de l'EPR de Flamanville (Manche), prévue fin 2018". Les administrateurs d'EDF ont été très clairs : la demande d'abrogation ne sera déposée que sous certaines conditions et donnera lieu à un nouveau vote pour "constater que ces conditions sont réalisées".
Trois conditions
Tout d'abord, EDF attend l'entrée en vigueur des autorisations nécessaires à la poursuite de la construction de l'EPR de Flamanville (Manche). Aujourd'hui, le décret de création de l'EPR prend fin le 11 avril 2017, alors qu'il ne devrait pas entrer en service avant fin 2018. En 2015, EDF a officiellement demandé une prolongation de 36 mois, jusqu'au 11 avril 2020.
Ensuite, EDF demande une dérogation pour le réacteur 2 de Paluel (Seine-Maritime). En avril dernier, un générateur de vapeur de 465 tonnes a chuté dans le bâtiment réacteur lors de son remplacement. Le réacteur est à l'arrêt depuis mai 2015, début de sa troisième visite décennale. Problème : la loi de transition énergétique considére comme définitivement arrêtée une installation nucléaire qui ne fonctionne pas pendant deux ans, sauf si un arrêté vient prolonger ce délai de trois ans. EDF ne déposera pas de demande d'arrêt de Fessenheim avant la publication de ce texte.
Enfin, EDF attend le feu vert de l'Union européenne pour pouvoir se restructurer. L'entreprise attend notamment que la Commission accepte que l'Etat participe à hauteur de 3 milliards d'euros à l'augmentation de capital de 4 milliards qui devrait être lancée prochainement. Là encore, si l'exécutif européen ne juge pas conforme ce protocole de refinancement à la législation sur les aides d'Etat, EDF ne demandera pas l'arrêt de Fessenheim.
La poursuite du processus suspendue à la Présidentielle
Quoi qu'il advienne, l'avenir de la centrale alsacienne est encore loin d'être acté. D'autant que les élections présidentielles et législatives pourraient rebattre les cartes. D'ailleurs, Michelle Rivasi, eurodéputée EELV, ne se fait guère d'illusion : l'engagement de François Hollande "pourrait malheureusement finir en renoncement puisque cette fermeture trop tardive pourrait permettre à l'opposition de relancer la centrale après une longue procédure".
En l'occurrence, François Fillon a d'ores et déjà annoncé qu'il souhaitait stopper la fermeture de la centrale de Fessenheim. Le candidat Les Républicains souhaite "consolider" une filière qu'il considère être un des fleurons de l'industrie française. De même, Marine Le Pen "ne compte pas abandonner le nucléaire, bien au contraire". La candidate du Front national propose de le moderniser et le sécuriser. A l'opposé, Jean-Luc Mélenchon propose la fermeture immédiate de Fessenheim (Alsace). Le candidat du mouvement "La France insoumise" vise 100% d'énergies renouvelables d'ici 2050. Même objectif 100% renouvelables pour Yannick Jadot, le candidat d'EELV, le parti qui avait obtenu cet engagement du Président de la République en amont de son élection.