Le Comité pour la fiscalité écologique (CFE) examinera le 13 juin en séance plénière un projet de réforme de la fiscalité préparé sous la responsabilité de son président Christian de Perthuis. Ce projet, qui a été mis en ligne sur le site du ministère de l'Ecologie (1) , comprend deux tiroirs : il propose à la fois d'introduire une assiette carbone dans la fiscalité énergétique et de rééquilibrer la taxation de l'essence et du diesel, sans pour autant créer de nouveau prélèvement.
Cette note fait suite à l'avis du CFE du 2 avril dernier recommandant l'introduction d'une assiette carbone dans la fiscalité française et à celui du 18 avril préconisant de réduire l'écart de taxation du diesel par rapport à l'essence. Cette proposition est rendue publique quelques jours après le vote d'une résolution de l'Assemblée nationale appelant à la mise en place d'une fiscalité écologique dès 2014.
Introduire une assiette carbone dans les accises énergétiques
"Le schéma d'ensemble consiste à introduire en 2014 une assiette carbone dans les accises énergétiques existantes pour moduler la taxation de l'énergie à partir de deux assiettes", indique le document. Le choix de prendre comme assiette les accises énergétiques existantes permettrait de minimiser le risque juridique tant au plan national que de l'Union européenne, de disposer d'un instrument complémentaire du système européen d'échange de quotas d'émissions de gaz à effet de serre (ETS), et d'emprunter la même voie que les pays européens (Suède, Danemark, Irlande) qui ont introduit une taxe carbone à une large échelle.
Il est proposé d'introduire l'assiette carbone avec un taux de 7 €/t de CO2 dès 2014, puis de faire progresser ce taux de manière linéaire jusqu'à 20 €/t en 2020. Mais l'introduction de cette assiette carbone serait compensée la première année par la baisse de la composante classique de la taxe intérieure de consommation (TIC), ce qui se traduirait par "une stabilité globale de la taxation des carburants". Si l'on rapproche les différents documents contenus dans la note, le scénario laisse toutefois à penser qu'une hausse de 2,06 c€/l de Gazole et de 1,3 c€/l de Super en résulterait en 2014.
"Les années suivantes, l'impact carbone est modulé par une réduction d'un centime par an de l'écart taxation essence/diesel", indique le document. Ce schéma permettrait à la France de rejoindre en 2018 l'écart moyen essence-diesel observé dans l'UE. Le document de travail prévoit également, mais sans en dire plus, l'introduction d'une composante carbone dans le tarif électrique de détail.
Les projections prévoient un rendement fiscal très faible en 2014, de l'ordre de 2 milliards en 2016 et de 5 milliards en 2020.
Envoyer de meilleures incitations fiscales
La réorientation de la fiscalité devrait permettre d'"envoyer de meilleures incitations environnementales" selon le projet, qui a identifié quatre types d'impacts. Tout d'abord, l'introduction de l'assiette carbone engendrerait, d'une part, des réductions d'émissions de gaz à effet de serre liées à la circulation routière et, d'autre part, des réductions dans le secteur du bâtiment du fait de l'accélération des travaux de rénovation énergétique.
La réduction de l'écart de taxation essence-diesel, quant à elle, devrait permettre d'accélérer le basculement du diesel vers l'essence. "L'effet environnemental est d'autant plus favorable qu'il conduit à une sortie accélérée du parc de véhicules anciens fonctionnant au gazole", souligne le document, même s'il reconnaît qu'une partie de ce basculement pourrait, de façon provisoire, jouer négativement sur les émissions de CO2. Enfin, l'introduction d'un signal prix faciliterait "une inflexion graduelle des trajectoires d'émission des secteurs diffus (transports, bâtiments à titre principal)".
Système transparent et prévisible de compensations
Afin d'assurer son efficacité économique et sociale, le projet ne doit pas comporter d'exemption mais "reposer sur un système transparent et prévisible de compensations et de mesures d'accompagnement, neutres au plan budgétaire", prévoit le document.
Ces mesures consisteraient, pour les ménages, en un crédit d'impôt dégressif ciblé sur les foyers à faible revenu. Cette mesure pourrait être complétée par le non-relèvement des taux de TVA des biens et services de première nécessité pour la transition énergétique (transports en commun, travaux de rénovation thermique) et par une incitation au retrait du parc de vieux véhicules diesel.
Pour les entreprises, la mesure d'accompagnement principale serait le financement du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), qui abaisse le coût du travail des entreprises employant des salariés. Des mesures complémentaires privilégiant les baisses de charge et la compétitivité pourraient bénéficier au cas par cas aux secteurs les plus exposés (transports routiers de marchandises, agriculture, taxis…) et aux rares cas où il y a superposition du régime de taxation nationale avec l'ETS.
Le rééquilibrage proposé par ce projet opère un double transfert. Au plan écologique, un transfert de ressources des agents fortement émetteurs de gaz à effet de serre aux profit des agents moins émetteurs. Au plan économique, un transfert des ressources des ménages à revenu élevé et moyen, pour un quart vers les ménages à revenu modeste et pour trois quarts vers les entreprises. Au final, ce scénario devrait entraîner "un supplément de croissance et d'emploi", d'après les simulations du Trésor et les retours d'expérience des pays qui ont déjà exploré cette voie.
Reste au président du comité à convaincre l'ensemble de ses membres du bien-fondé du projet lors de la séance plénière de jeudi et à persuader le Gouvernement de l'inscrire dans le prochain projet de loi de finances. Or, ce dernier a adressé des signaux contradictoires ces dernières semaines, le ministre du Budget, Bernard Cazeneuve, déclarant le 14 mai devant les députés que le diesel ne serait pas plus taxé en 2014, tandis que la ministre de l'Ecologie, Delphine Batho, déclarait le 4 juin dans une interview au Figaro la volonté du Gouvernement de "mettre sur pied une fiscalité incitative".