Ce mercredi, le Canard enchaîné annonce que le ministre du Redressement productif, Arnaud Montebourg, s'apprêterait à publier après les élections municipales un rapport défendant l'exploitation des hydrocarbures de schiste par une technique expérimentale adaptée de la fracturation au propane.
La technique de fracturation au propane avait été présentée en avril 2013 à l'occasion de l'audition publique tenue par l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) dans le cadre de la préparation de son rapport sur les techniques alternatives à la fracturation hydraulique pour l'exploration et l'exploitation des hydrocarbures non conventionnels.
L'inflammabilité du propane
Arnaud Montebourg plaiderait pour l'utilisation d'une variante de la fracturation au propane, conformément à ce qu'évoque le rapport de l'Opesct. En l'occurrence, le propane, inflammable, serait remplacé par de l'heptafluoropropane (C3HF7, connu sous le nom HFC-227), une forme de propane non inflammable. Pour l'instant, contrairement à la fracturation au propane, aucune fracturation à l'heptafluoropropane n'a été réalisée.
Lors de l'audition de l'Opecst, John Trash, directeur général de EcorpStim, l'entreprise qui développe la technique de fracturation au propane, avait expliqué qu'en se dilatant dans le sol le propane liquide fracture la roche mère. Le propane est ensuite récupéré en surface pour être réutilisé. La fracturation au propane a déjà fait l'objet d'environ 1.500 expérimentations dans le monde.
Bruno Courme, directeur de Total Shale Gaz Europe, avait présenté la technique comme une variante de la fracturation hydraulique qui remplace l'eau par du propane liquide. Cependant, la technique présente des inconvénients, le principal étant le stockage de 200 à 400 m3 de propane sur le site qui pose des questions de risque industriel. Selon le représentant de Total, chaque installation de fracturation au propane serait alors soumise à la directive Seveso. Des talus de protection, une distance minimale de 300 m par rapport aux riverains et la présence de pompiers prêts à intervenir, permettent de gérer les risques, avait défendu John Trash.
Coût et impact climatique de l'heptafluoropropane
"L'utilisation d'une forme de propane non inflammable permet de supprimer à 100% les risques industriels liés à l'utilisation de propane traditionnel (risque d'incendie, risque d'explosion)", expliquait l'Opecst dans son rapport. L'heptafluoropropane, un hydrofluorocarbure (HFC), "affiche des performances optimales sur tous les critères déterminant l'intérêt d'un fluide pour la stimulation de la roche (tension de surface, viscosité, densité)". Autre interêt de la molécule : "l'heptafluoropropane est notamment produit par le chimiste franco-belge Solvay".
Néanmoins, cette technique présente elle aussi des défauts. Le premier, et probablement le plus rédhibitoire au yeux des industriels, est son coût très élevé qui pourrait menacer la rentabilité de l'extraction de gaz. D'ailleurs, le rapport parlementaire note que l'un des intérêts de la récupération du gaz à l'issue de la fracturation est de "[contribuer] à compenser le prix très élevé de cette substance".
Le second inconvénient pourrait, cette fois-ci, être rédhibitoire aux yeux des écologistes. "Il n'est pas sans danger pour le climat", pointe sobrement l'Office dans son rapport, estimant toutefois que "son usage pour l'extraction d'hydrocarbures n'impliquerait sa libération dans l'atmosphère qu'en cas d'incident".
Cependant, l'absence de libération d'heptafluoropropane dans l'atmosphère lors des opérations de fracturation mériterait d'être éclaircie. En effet, ce même rapport de l'Opecst souligne que lors de la fracturation, l'heptafluoropropane "peut être récupéré quasi intégralement", laissant entendre qu'il y a des pertes à chaque opération.
Si tel est le cas, et même en retenant les taux de fuite dans l'atmosphère de l'ordre de 1,5% (niveau officiellement retenu pour les puits de gaz de schiste, mais jugé bien inférieur à la réalité par certains experts), il est probable que le bilan climatique de la fracturation soulève de nouvelles questions quant à l'impact environnemental du gaz de schiste ainsi extrait. En effet, selon le rapport spécial du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec) sur la protection de l'ozone et la lutte contre les changements climatiques, le C3HF7 est un gaz à effet de serre quelque 3140 fois plus puissant que le CO2.