Afin de compléter ces résultats et remonter plus loin dans le temps, de nouveaux enregistrements étaient nécessaires mais impossibles à réaliser à Vodstok en raison de la présence d'un immense lac à quelques centaines de mètres sous le forage. Un nouveau site de forage devait donc être réalisé. Ce fut l'objet du projet européen EPICA mené par un consortium regroupant 10 pays européens (Allemagne, Belgique, Danemark, Italie, France*, Norvège, Pays - Bas, Royaume - Uni, Suède et Suisse). Lancé en 1995, ce programme avait pour objectif de forer la calotte glaciaire jusqu'au socle rocheux sur deux sites en Antarctique diamétralement opposés, l'un à Dôme C où se situe une station de recherche permanente issue d'une collaboration entre la France et l'Italie, l'autre à Dronning Maud Land.
Après plus de 10 ans de forage et plus de 6.000 analyses sur des cylindres de glaces de 10cm de diamètre ramenés à la surface par tronçon de 3m environ, les équipes scientifiques viennent de publier l'ensemble des résultats obtenus au Dôme C dans le journal Science du 6 juillet dernier. Au final, les 3260 m de glace retirés du site représentent les 800.000 dernières années de la planète. Cet enregistrement près de deux fois plus long que celui accessible à partir du forage de Vostok, a permis des avancées remarquables notamment sur les variations de température au cours de cette période.
En effet grâce à un ensemble de simulations réalisées à l'aide d'un modèle de circulation générale de l'atmosphère, la température de l'Antarctique a pu être reconstituée. La corrélation entre cette température et la concentration de gaz à effet de serre est confirmée. La relation entre la température de l'Antarctique et les variations du niveau de la mer telles qu'elles sont enregistrées dans les sédiments marins est également remarquable, sur l'ensemble des 800.000 dernières années.
Par ailleurs, les analyses confirment qu'au cours de cette période la terre a subi huit cycles climatiques, voyant alterner des périodes glaciaires et des périodes plus chaudes dites interglaciaires avec un changement brutal du rythme de ces cycles il y a 420.000 ans. Les périodes chaudes des 420.000 dernières années sont caractérisées par une température similaire à celle que nous connaissons actuellement, alors qu'auparavant, elles étaient moins chaudes mais duraient plus longtemps.
Une analyse plus poussée à l'échelle des siècles et des millénaires confirme le lien entre les variations de température enregistrées en Antarctique et les événements climatiques rapides mis en évidence dans les forages réalisés au Groënland. Ces forages réalisés dans les années 1990 ont en effet révélé des variations climatiques rapides au cours des dernières périodes glaciaires et interglaciaires. La dernière période glaciaire est marquée par des réchauffements importants qui s'opèrent en quelques décennies et un retour plus lent vers les conditions glaciaires tandis que la dernière période interglaciaire présente des excursions vers des conditions plus froides qui suivant le cas persistent entre 70 et 5.000 ans.
À la lumière de ces résultats, la communauté glaciologique internationale se tourne maintenant vers d'autres régions de l'Antarctique pour extraire de la glace plus vieille encore, si possible de plus d'un million d'années.
*Laboratoire des Sciences du Climat et de l'Environnement (LSCE), Institut National des Sciences de l'Univers (INSU), Institut français Paul Émile Victor (IPEV), Laboratoire de Glaciologie et Géophysique de l'Environnement (LGGE CNRS / UJF Grenoble).