Sur l'archipel des Kerguelen, au sud de l'Océan Indien, près de l'Antarctique, les mesures de terrain, réalisées entre 1970 et 1974 par le Laboratoire de Glaciologie de Grenoble, montraient déjà un recul d'abord lent du glacier Ampère (l'un des glaciers drainant la glace de la calotte Cook) entre 1800 et 1965 puis, beaucoup plus rapide ensuite.
C'est en combinant des cartes de l'Institut Géographique National (IGN) avec des images des satellites Spot et Landsat, effectuées entre 1991 et 2006 que les scientifiques du LEGOS ont pu recueillir des nouvelles données sur la perte de volume de la calotte Cook.
D'une surface de 500 km2 en 1963, la calotte ne couvrait plus que 448 km2 en 1991, 403 km2 en 2003, selon l'étude. Sa surface a diminué de 20% en 40 ans et ce recul est deux fois plus rapide depuis 1991, soulignent les chercheurs. La perte de glace était de l'ordre de 1,9 km2 par an entre 1963 et 1991 et a augmenté pour atteindre 3,8 km2 par an après cette date, explique l'étude.
Les chercheurs ont également estimé les pertes de volume (ou bilan de masse) de la calotte Cook depuis 40 ans. Par rapport à 1963, l'amincissement de la calotte atteint 300 à 400 mètres au niveau des langues glaciaires à basse altitude, ce qui provoque l'apparition de zones rocheuses entourées de glace, les nunataks, précise Etienne Berthier du LEGOS. Tandis que les variations d'épaisseur semblent plus faibles dans les régions hautes. En moyenne pour toute la calotte et depuis 1963, les pertes d'épaisseur atteignent ainsi environ 1,5 mètre par an, une valeur très élevée quand on la compare à d'autres glaciers du globe, indique M. Berthier.
Impact du réchauffement naturel et du changement climatique récent
Les chercheurs du LEGOS expliquent le recul de la calotte Cook et des autres glaciers de Kerguelen par la réponse retardée de ces glaciers au réchauffement naturel consécutif au Petit Age de glace, une période froide qui s'est achevée entre 1850 et 1900.
En revanche, l'accélération récente des pertes glaciaires est sans doute liée aux températures élevées et aux faibles précipitations sur les îles depuis le début des années 1980 due au réchauffement climatique.
Alors qu'elles sont déjà en total déséquilibre avec leur climat, on peut être pessimiste sur le devenir des glaces des Kerguelen au cours du XXIè siècle, déplore M. Berthier.
La tendance générale d'accélération de la fonte de glaciers, victimes du changement climatique, contribue à l'élévation du niveau moyen de la mer pouvant atteindre entre 18 et 59 centimètres d'ici 2100, selon le quatrième rapport du Groupe d'Experts Intergouvernemental sur l'Evolution du Climat (GIEC) qui prévoit une hausse de température moyenne de 1,8 à 4 degrés, pouvant aller jusqu'à 6,4 degrés par rapport à 1990.
1/ Références : Berthier E., Lebris R., Mabileau L., Testut L., & Rémy F. Ice wastage on the Kerguelen Islands (49S, 69E) between 1963 and 2006. Journal of Geophysical Research-Earth Surface, 114, doi: 10.1029/2008JF001192, 2009.