Ce mardi 21 novembre, l'ONG belge, le Réseau européen d'action contre les pesticides (PAN Europe), et quatre autres associations membres (Générations futures en France, Global 2000 en Autriche, PAN Allemagne et PAN Pays-Bas) ont signifié leur opposition à la réautorisation sur dix ans du glyphosate, promise le 16 novembre par la Commission européenne. Pour celles-ci, « ce renouvellement est incompatible avec le mandat de protection de haut niveau de la législation européenne sur les pesticides et l'application du principe de précaution dans les cas où un danger a été identifié mais où certaines incertitudes pourraient subsister ».
Des manquements scientifiques et juridiques ?
Les ONG s'appuient principalement sur un texte – le règlement européen de 2009 sur l'autorisation des pesticides (complétée par la directive sur leur utilisation durable, ou SUR, dont une proposition de révision fera l'objet d'un vote au Parlement européen ce mercredi 22 novembre) – et une décision – celle de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) datant du 6 mai 2021 invoquant le principe de précaution pour valider l'interdiction d'insecticides néonicotinoïdes. Pour PAN Europe et ses soutiens, ces deux éléments auraient dû suffire pour empêcher la proposition de réautorisation du glyphosate au regard des données scientifiques actuelles.
Vers un jugement estimé en 2026
Une fois le règlement d'exécution correspondant publié d'ici à la mi-décembre, une fenêtre de deux mois sera ouverte aux cinq associations pour envoyer une demande de révision interne à la Commission européenne. Cette dernière aura alors jusqu'en août 2024 pour y répondre. Dans l'éventualité d'une absence de réponse, les associations auront à nouveau deux mois pour déposer un recours devant le Tribunal de la CJUE. Aboutir à un jugement pourrait alors n'intervenir qu'en 2026, sans que l'utilisation du glyphosate n'en soit impactée jusque-là. « Si le jugement nous est favorable, l'annulation de la décision sera appliquée immédiatement, même si la Commission choisit de faire appel », précise cependant Martin Dermine, directeur général de PAN Europe.
« Notre recours, qui sera déposé en français, embrasse l'ensemble de la problématique et il est donc probable que le Tribunal choisisse de le fusionner avec celui porté par le collectif Secrets toxiques et un certain nombre de députés européens en une seule et même affaire », ajoute par ailleurs l'intéressé. Ce second recours, annoncé au lendemain de la décision de Bruxelles, dénonce spécifiquement la toxicité potentielle des coformulants du glyphosate dans le cas des produits comportant des mélanges. Ce facteur n'a pas non plus été pris en compte par l'Efsa dans son évaluation de la fameuse substance.
Cette double affaire pourrait alors être la plus importante portée devant la CJUE au sujet de l'encadrement des pesticides depuis la modification de la Convention d'Aarhus en 2021. « L'accès des ONG à la justice européenne en la matière rééquilibre en partie les forces sur la pression exercée sur les autorités, souligne Martin Dermine. Nous en sommes actuellement à trois demandes similaires de révision interne d'approbation de substances et une première audience est même prévue dans un mois pour l'une d'entre elles, visant la cyperméthrine. » En outre, pour François Veillerette, porte-parole de Générations futures, « cette plainte est vouée à ne pas se limiter à nos seules associations et des soutiens supplémentaires sont déjà recueillis dans chaque pays, à commencer par UFC-Que choisir, en France ».