Emmenés par Jean-Paul Emorine (UMP), le président de la commission des Affaires économiques et par le rapporteur, Bruno Sido (UMP), les sénateurs, qui ont débuté mardi 27 janvier l'analyse du texte, auront débattu près de cinquante heures. Le ministre de l'Écologie, de l'Énergie, du Développement durable et de l'Aménagement du Territoire, Jean-Louis Borloo et les Secrétaires d'État ont salué l'esprit de responsabilité qui a animé tous les groupes parlementaires, de la majorité comme de l'opposition. Nous avons eu une majorité et une opposition constructives : ce vote fait honneur au Parlement et à notre démocratie. Ce vote renforce une fois de plus la crédibilité et la voix de la France à quelques mois des négociations de Copenhague, s'est félicité le ministre.
Le Grenelle 1 a été présenté par le MEEDDAT en avril 2008. Composée de 50 articles, cette loi d'orientation vise à faire valider par le Parlement les principes fondateurs du Grenelle. Il regroupe un ensemble d'engagements et d'objectifs généraux à moyen et long terme dans les domaines du bâtiment, de l'énergie, des transports, de la biodiversité, etc. Validé par le Conseil Economique et Social (CES) en mai 2008 puis présenté en Conseil des ministres en juin, le projet de loi a été adopté en première lecture par l'Assemblée nationale le 21 octobre dernier avant d'être adopté hier par le Sénat.
Des avancées…
Les sénateurs ont notamment voté une meilleure traçabilité des expositions des salariés aux substances les plus dangereuses en milieu professionnel, en prévoyant l'expérimentation d'un carnet de santé du salarié. Le Sénat a également souhaiter faciliter les procédures d'autorisation de mise sur le marché des préparations naturelles peu préoccupantes (PNPP) comme le purin d'ortie. S'agissant, de la gestion des déchets, il a introduit un censeur d'Etat dans tous les éco-organismes liés à une filière de responsabilité élargie du producteur.
Sur proposition des sénateurs Christian Gaudin (UC, Maine-et-Loire) et Roland Courteau (Soc, Aude), le Sénat a adopté trois amendements, issus de préconisations de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) : la mise en place d'un centre national d'alerte aux tsunamis, la création d'un observatoire scientifique international de l'Arctique et une meilleure protection de l'environnement de l'Arctique, la France s'engageant à promouvoir une réglementation internationale adaptée au développement des activités humaines en Arctique.
Concernant la protection de la santé, les sénateurs ont notamment allongé la liste des substances à réduire dans le cadre du deuxième plan national santé environnement (PNSE 2) en incluant les perturbateurs endocriniens et le perchloroéthylène dans le cadre d'un amendement proposé par les Verts.
… et des lacunes
À l'occasion du vote, les sénateurs ont reconnu les nombreuses avancées de ce texte fondateur pour les années à venir et ont souligné la qualité des débats qualifiés d'apaisés et de constructifs. L'opposition a toutefois fait part d'occasions ratées concernant la sobriété énergétique, la taxe carbone ou encore la notion d'agriculture intégrée.
Bien que voté quasiment à l'unanimité, le projet de loi fait toutefois l'objet de critiques de la part des associations environnementales. Elles font un bilan amer en matière de performance énergétique des logements anciens, de transports routiers ou de pesticides. Ainsi l'objectif de performance énergétique des bâtiments (50kwh/an) a été soumis à une étude d'un office parlementaire, les projets routiers « déjà engagés » ne sont pas abandonnés, l'objectif essentiel de réduction de moitié de l'usage des pesticides connaît une dérogation pour les « cultures mineures ». Certes, le texte contient des dispositions intéressantes comme la création d'une agence de l'expertise ou l'adoption du terme « agrocarburants » mais il contient encore trop de zones de flou et il faut lui donner plus de souffle pour que ses objectifs apparaissent plus clairement, analyse France Nature Environnement (FNE).
Dans un communiqué commun le Réseau Action Climat, les Amis de la Terre, le CLER, la FNAUT, Greenpeace et le WWF évoquent un retour en grâce inacceptable de la route, le Sénat ayant voté un texte stipulant que les grands itinéraires autoroutiers largement engagés seront menés à bonne fin dans les meilleurs délais. Alors que les parties prenantes travaillent actuellement sur les critères de choix d'infrastructures à retenir dans le cadre du futur schéma national des infrastructures de transport, il est impensable que toute une série de projets autoroutiers échappent à la règle de l'évaluation, commentent les associations. Leurs inquiétudes vont encore à la commande d'un rapport sur l'impact de l'autorisation de circulation des poids lourds de 44 tonnes. Cette disposition, si elle devait aboutir, serait totalement contraire à une rupture dans la politique des transports en faveur d'un report modal de la route vers les modes plus respectueux de l'environnement (rail et voies d'eau). D'autre part, elle porterait sérieusement atteinte au réseau routier par dégradation conséquente (usure des chaussées et des ouvrages d'art) et renverrait des charges supplémentaires sur les collectivités locales, estiment les associations.
Concernant les bâtiments neufs, le pire a été évité selon les associations avec le retrait des amendements du sénateur Dominique Braye (UMP). Mais les dispositions pour le bâti existant ont déçu : le texte de loi ne fixe pas d'objectif de performance des logements rénovés et, pire, propose un objectif médiocre pour les logements sociaux (150 kWh d'énergie primaire/m2/an) , explique le collectif.
Le Grenelle 1 doit encore être soumis à une deuxième lecture dans les deux Chambres. Tout l'enjeu de la deuxième lecture sera de placer la barre plus haut pour doter la France d'une feuille de route à la hauteur de l'enjeu, note Sébastien Genest, le président de FNE. L'examen du Grenelle 2, application technique du Grenelle 1, doit quant à lui débuter en mars.