Le Conseil d'Etat a rendu le 24 avril une décision (1) portant sur le refus d'un préfet de communiquer au CHSCT (2) d'une entreprise de chimie le rapport d'évaluation des risques liés aux activités portuaires et industrielles de la zone de Fos-sur-Mer.
Il montre que pour obtenir communication d'un tel document devant le juge administratif, le requérant ne doit pas appuyer sa requête sur le fondement de la seule loi de 1978 (3) .
Evaluation des risques liés aux activités portuaires et industrielles
Les faits de l'espèce étaient les suivants. Par une lettre de février 2008, le CHSCT de la société Lyondell Chimie France a demandé au préfet des Bouches-du-Rhône la communication du rapport d'évaluation des risques liés aux activités portuaires et industrielles de la zone de Fos-sur-Mer. Le préfet a refusé cette communication malgré l'avis favorable de la Commission d'accès aux documents administratifs (Cada).
Le CHSCT de Lyondell a alors saisi le tribunal administratif de Marseille d'une demande tendant à faire annuler la décision de refus du préfet et à lui enjoindre sous astreinte de communiquer le document demandé. Par un jugement du 26 janvier 2010, le tribunal administratif a rejeté cette demande au motif que ce document avait le caractère d'un document préparatoire à une décision. Le CHSCT s'est alors pourvu en cassation devant le Conseil d'Etat.
Droit d'accès aux informations relatives à l'environnement détenues par les autorités publiques
La décision rappelle les dispositions contenues dans l'article L. 124-1 du code de l'environnement (4) . Cet article prévoit le droit de toute personne d'accéder aux informations relatives à l'environnement détenues, reçues ou établies par l'Etat, les collectivités territoriales, les établissements publics et les personnes chargées d'une mission de service public en rapport avec l'environnement. Il ajoute que ce droit s'exerce dans les conditions définies par la loi de 1978 relative à l'accès aux documents administratif sous réserve que le code de l'environnement n'ait pas défini des modalités particulières de communication.
Le Conseil d'Etat en déduit que dès lors que les articles L. 124-4 et L. 124-5 du code de l'environnement (5) énumèrent les motifs pour lesquels les autorités publiques peuvent rejeter une demande d'information relative à l'environnement, seuls ces motifs peuvent justifier légalement un refus de communiquer des informations relatives à l'environnement. Or, "le caractère préparatoire des informations sollicitées ne figure pas au nombre de ces motifs", constate la décision.
La Haute juridiction relève ensuite que le rapport dont la communication était demandée a pour objet l'évaluation des risques, notamment d'incendie, liés aux activités portuaires et industrielles de la zone des bassins ouest du Port autonome de Marseille et aux moyens dont disposent les services d'incendie pour y faire face. Un document qui analyse les dangers liés à la présence d'activités et d'installations classées (ICPE) est un document qui comporte des informations relatives à l'environnement au sens de l'article L. 124-1 du code de l'environnement, estime le Conseil d'Etat. Il en conclut que "le caractère préparatoire de tout ou partie de telles informations ne constitue pas un motif pouvant légalement justifier un refus de les communiquer".
Le juge ne pouvait soulever d'office le moyen
A ce stade de l'arrêt, on aurait pu croire que l'obligation de communication du rapport sollicité était acquise. Mais c'était sans compter sur le considérant suivant.
Le Conseil d'Etat relève que la loi de 1978 fait obligation à l'Administration et à la Cada, lorsqu'elles sont saisies d'une demande de communication d'un document contenant des informations en matières d'environnement de l'examiner d'office au regard du régime spécial prévu par le code de l'environnement. En revanche, il estime qu'"il n'appartient pas au juge de l'excès de pouvoir, saisi de conclusions tendant, sur le fondement de la seule loi du 17 juillet 1978, à l'annulation d'un refus de communiquer un document administratif, d'examiner d'office si ce refus méconnaît" ce régime spécial. En d'autres termes, le juge ne devait pas soulever d'office le moyen qui aurait permis au requérant d'obtenir satisfaction s'il l'avait lui-même invoqué.
Le Conseil d'Etat valide par conséquent le jugement du tribunal administratif de Marseille et rejette le pourvoi du CHSCT. Moralité : le moyen tiré d'une méconnaissance du régime spécial prévu par le code de l'environnement aurait dû être soulevé par le requérant devant le tribunal administratif. Ce qui lui aurait assuré la communication du document sollicité…