Président de Soper
Actu-Environnement.com : Vous qui avez fondé la Compagnie du Vent, filiale de GDF-Suez, et l'avez présidé jusqu'à votre révocation en mai 2011, vous avez immédiatement réagi à la réponse à l'appel d'offres éolien offshore. Quel est votre sentiment aujourd'hui ?
Jean-Michel Germa : J'ai le sentiment d'un gâchis inouï. Après avoir écarté La Compagnie du Vent pour faire de l'éolien offshore une filière du groupe, GDF-Suez n'a pas réussi à faire en sorte que son offre sur le site du Tréport soit retenue. Il n'a pas souhaité mettre La Compagnie du Vent au centre de ce projet soumis à l'appel d'offres. Devenue filiale du groupe en novembre 2007, La Compagnie du vent avait pourtant réussi en cinq ans à monter le projet avec des entreprises, des sous-traitants, et en particulier à le soumettre au débat public. Le projet des Deux-Côtes avait une telle avance qu'aucun concurrent ne pouvait se positionner. Il ne restait plus qu'à GDF-Suez de faire en sorte que le prix de rachat de l'électricité corresponde aux critères du cahier des charges de l'appel d'offres, on connaît le résultat... Si au niveau local, dans le port du Tréport, certains s'en réjouissent..., d'autres le regrettent au niveau des Régions Haute-Normandie et Picardie. En Languedoc-Roussillion, où se trouve le siège de la Compagnie du Vent, une centaine d'emplois se seraient créés. Alors que là, le personnel s'en va... toute l'avance est perdue...
AE : Vous avez déclaré que "le projet coordonné par la Compagnie du Vent aurait permis d'obtenir une meilleure rentabilité du projet et un tarif de vente de l'électricité plus compétitif" que celui présenté par GDF-Suez basé sur "un montage clé en mains". Pouvez-vous nous expliquer ?
JMG : Il y a deux grandes méthodes d'organisation pour répondre à un appel d'offres : l'ingénierie classique ou le "clé en main". Dans cette seconde méthode, le donneur d'ordre, qui n'a pas les compétences ou n'accepte pas de prendre les risques de construction, fait appel à une "entreprise générale" qui facture en contrepartie un surcoût de 15 à 20 %. Dans la lignée de sa mobilisation depuis l'origine du montage du projet des Deux-Côtes jusqu'après le débat public, la Compagnie du Vent avait les compétences pour être maître d'oeuvre du projet pour le compte du groupe ou du consortium d'investisseurs créé par GDF-Suez. Après avoir conçu le projet, elle était en mesure de sélectionner les entreprises des principaux lots (fondations, aérogénérateurs, électricité, montage, etc.), de suivre les travaux et de les réceptionner. Cette méthode dite de l'ingénierie classique, proposée par La Compagnie du Vent, est d'ailleurs celle généralement pratiquée pour la réalisation de grands projets offshore, parce qu'elle est tout simplement plus compétitive.
AE : Le site de Dieppe-Le Tréport n'en est pas pour autant abandonné ! Selon le ministre de l'Industrie, il figurera dans la seconde phase de l'appel d'offres éolien offshore. Et si alors le groupe GDF-Suez se représentait auprès de la Commission de Régulation de l'Énergie avec une nouvelle offre ?!
JMG : Je leur souhaite bonne chance mais la concurrence sera plus forte. Le nombre de zones étant limité, je les encourage à faire un vrai travail de mise en concurrence de leurs partenaires et de leurs fournisseurs de biens et de services.
AE : Vous-mêmes étiez l'homme-clé du projet de la Compagnie du Vent, mais aussi l'un des hommes-clé de l'éolien offshore français...
JMG : A l'époque où j'étais en train de préparer ce projet, j'étais en effet administrateur du Cluster Maritime Français (CMF) et co-président de son groupe "Energies Marines Renouvelables", ainsi qu'administrateur de France Energie Eolienne (FEE) et président de sa commission "Eolienne offshore". Es-qualité j'ai donc été amené à présenter à l'administration les commentaires et les propositions de la profession sur le projet de cahier des charges de l'appel d'offres qui avait été mis en consultation. A cette époque, l'état craignait effectivement que l'avance acquise par La Compagnie du Vent sur le projet du Tréport, ne dissuade la concurrence. C'est vraisemblablement pour cette raison que la note éliminatoire de 175 euros/MWh avait été imposée. Concurrence ou pas, force est de constater que le projet de GDF Suez ne répondait pas à ce critère, puisque vos confrères de la presse ont révélé un prix de 220 euros/MWh. C'est d'autant plus incompréhensible que le projet de La Compagnie du Vent répondait au critère de coût du MWh du cahier des charges tout en satisfaisant ceux de rentabilité du groupe GDF Suez.