Nathalie Kosciusko-Morizet :
C'est vrai, la France est désormais contrainte d'importer la moitié de sa consommation. Un non-sens que le gouvernement a voulu corriger en lançant un plan d'action pour l'agriculture biologique. Parallèlement, une convention destinée à favoriser le développement de l'agriculture biologique dans les zones de captage d'eau en Ile-de-France a été signée cette semaine. Celle-ci a plusieurs objectifs : un objectif de qualité de l'eau, un objectif de maintien d'une agriculture de proximité mais aussi un objectif de santé et de qualité, notamment pour les cantines. En effet quand une filière locale existe, la contractualisation de l'approvisionnement en produits bio pour les cantines et la restauration collective est plus simple. L'un des objectifs du Grenelle en la matière se chiffre en effet à 20% de produits biologiques dans la restauration collective d'ici 2012, en commençant par la restauration collective publique.
Concernant la ressource en eau, il y a un intérêt croisé entre l'agence de bassin qui doit dépolluer l'eau en aval, et l'agriculture biologique qui peut agir en amont par ses méthodes. La filière montre en effet toute son utilité comme l'atteste l'exemple Munichois. Rebutée par les investissements énormes pour traiter l'eau dont la qualité s'était fortement dégradée dans les années 90, la ville avait donc prévu d'investir dans la conversion de l'agriculture. Il s'agissait de toute évidence du bon choix puisque la qualité de l'eau s'est fortement rétablie, de sorte que la construction de ladite station d'épuration a pu être évitée et qu'un contrat d'approvisionnement en produits bio a été passé entre la ville et les agriculteurs.
AE : Le financement à Munich a toutefois été cinq fois plus important que celui accordé par la convention signée en Ile-de-France. Comment doit-on interpréter cette différence ?
NKM : Le financement y a été très important car il s'agissait de s'abstenir de construire une nouvelle station de traitement qui aurait coûté très cher. Les situations sont un peu différentes de sorte qu'une comparaison de ce point de vue paraît hasardeuse. En revanche, même si la priorité est pour le moment accordée sur les points de captage d'Ile-de-France en difficulté, je souhaiterais, dans la lignée du Grenelle de l'Environnement, que ce type d'initiative puisse être généralisé sur l'ensemble des bassins, de manière à engager au plus vite des opérations territoriales qui permettront tout à la fois de concilier le développement de l'agriculture biologique et la structuration de ses filières avec la protection voire la reconquête de la qualité de la ressource en eau.
AE : Justement, où en êtes-vous dans la mise en œuvre des décisions du Grenelle de l'environnement ?
NKM : Un point d'étape de l'ensemble des comités opérationnels vient d'être réalisé même si certaines mesures ont déjà pu être mises en œuvre parce qu'elles étaient d'ordre réglementaire, à l'instar du bonus-malus automobile, du plan de réduction des bruits autour des aéroports, ou de la circulaire obligeant les cantines des administrations d'Etat à prévoir 15% puis 20% de bio, avant extension à toute la restauration collective.
La loi Grenelle est quant à elle toujours prévue après les municipales. Elle formalisera entre autres, l'éco-redevance sur les poids -lourds, l'annualisation de la partie malus du bonus-malus sur les voitures particulières, ainsi que des éléments généraux de responsabilité environnementale.
AE : Concernant le bonus automobile, pourquoi les émissions ont-t-elles constitué la seule référence ? Pourquoi ne pas avoir intégré les particules et les oxydes d'azote ?
NKM : Il est vrai que les motorisations diesel sont avantagées par le fait que seules les émissions de CO2 soient prises en compte. Mais il faut rappeler qu'à partir de 2010, les filtres à particules seront obligatoires sur tous les véhicules diesel. Cela répondra donc à une partie de ce problème.
Autant on ne peut pas considérer qu'une voiture qui roule au pétrole est propre, autant il est essentiel de conserver une bonne lisibilité pour des mesures de ce type. S'il est vrai que du point de vue environnemental, un croisement des critères aurait eu encore plus de sens, la mesure serait dès lors devenue trop compliquée. Or il faut que ce type de mesure soit simple pour que le consommateur et le concessionnaire n'aient pas un sentiment d'injustice.
AE : Pensez-vous que le principe du bonus-malus soit déclinable à d'autres produits de consommation ?
NKM : Effectivement, nous voulons progressivement développer des systèmes de fiscalité auto-compensée à l'intérieur des gammes de produits. C'est un bon moyen d'inciter les Français à mieux consommer, et d'obliger les producteurs à retirer du marché les produits les moins efficients. Le principe du bonus-malus qui est appliqué aux voitures particulières est notamment à l'étude pour les ordinateurs et les télés. Cela pourrait par exemple se concrétiser avec un malus pour les équipements dont les veilles consomment trop d'énergie.