Après de nombreuses années de latence, dues principalement au scandale de la vache folle, l'arrêté interministériel relatif à l'utilisation d'eaux issues du traitement d'épuration des eaux résiduaires urbaines pour l'irrigation de cultures ou d'espaces verts a été publié en septembre 2010. Deux sociétés spécialisées dans la valorisation des sous-produits animaux et des déchets organiques ont attaqué le texte devant le Conseil d'Etat. Sans succès puisque la Haute juridiction administrative vient, par un arrêt du 9 mai 2012 (1) , de rejeter leurs requêtes.
Evaluation du risque dénuée d'erreur manifeste d'appréciation
L'article 5 de l'arrêté attaqué interdit l'irrigation des cultures et des espaces verts à partir de certaines eaux usées. Parmi les eaux interdites figurent celles "issues de stations d'épuration reliées à un établissement de collecte, de stockage, de manipulation ou de traitement des sous-produits d'origine animale de catégorie 1 [notamment les cadavres d'animaux atteints ou suspectés d'être infectés par une encéphalopathie spongiforme transmissible] ou 2 [notamment les autres cadavres d'animaux ou les lisiers et matières stercoraires] au sens du règlement européen 1774/2002 et soumis à la réglementation des installations classées au titre des rubriques 2730 ou 2731, à l'exception des cas où les eaux sont, préalablement à leur rejet dans le réseau de collecte, traitées thermiquement à 133 °C pendant 20 minutes sous une pression de 3 bars".
Les requérantes avaient fait valoir que les avis de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa), sur lesquels les ministres s'étaient fondés pour prendre cet arrêté, auraient fourni des données scientifiques de nature à fausser manifestement leur appréciation des risques sanitaires existants, liés notamment aux encéphalopathies spongiformes subaigües transmissibles. Mais, pour le Conseil d'Etat, les auteurs de cet arrêté, en interdisant l'utilisation de ces eaux usées, sauf mise en œuvre du traitement décrit ci-dessus, "n'ont pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation leur évaluation du risque pour la santé humaine que représente l'utilisation de telles eaux usées".
Pas d'interdiction excessive par rapport au risque sanitaire
L'une des sociétés requérantes reprochait également à l'arrêté de viser indifféremment les établissements de collecte, de stockage, de manipulation ou de traitement des sous-produits d'origine animale de catégorie 1 et 2, et de ne pas limiter l'interdiction d'utilisation des eaux usées aux seuls terrains portant des cultures destinées à l'alimentation humaine.
Pour la Haute juridiction, les ministres "n'ont pas posé d'interdiction qui excèderait ce qu'implique normalement la prévention de ce risque sanitaire", compte tenu, d'une part, de l'impossibilité technique de distinguer en amont entre les eaux selon leur utilisation ultérieure et, d'autre part, du risque de contamination indirecte que l'irrigation des terrains pourrait entraîner.
Pas d'atteinte au droit de propriété ni à la liberté du commerce et de l'industrie
D'autre part, l'arrêté litigieux étant justifié par des raisons de santé publique et étant proportionné au risque encouru, le Conseil d'Etat écarte le moyen tiré d'une méconnaissance du droit de propriété et de la liberté du commerce et de l'industrie.
Enfin, la Haute juridiction considère que les dispositions contestées ne sont pas non plus contraires à la libre prestation des services au sein de l'UE ou à la liberté d'établissement. En effet, ces dispositions, jugées non discriminatoires, sont justifiées par des raisons de santé publique et sont proportionnées au regard du risque encouru.