À deux jours de l'investiture, ce samedi 7 mai, d'Emmanuel Macron, réélu à la présidence de la République, la France a déjà consommé l'équivalent de toutes ses ressources naturelles disponibles depuis le début de l'année 2022. Autrement dit, « ce nouveau quinquennat commence dans une situation où nous avons déjà épuisé tout notre crédit de nature », résume Isabelle Autissier, présidente d'honneur du WWF France.
Dans l'entre-deux tours, Emmanuel Macron a néanmoins fait la promesse de donner la priorité à la « planification écologique ». L'association en a examiné le potentiel au regard du jour du dépassement, dans une nouvelle étude (1) . Quelles mesures, déjà engagées ou complémentaires, sont nécessaires pour renverser la tendance d'ici à la fin de ce nouveau mandat, en 2027 ?
Le dépassement, une histoire de politique ?
« Selon que le président élu décide de ne rien faire de particulier, de mettre en œuvre les engagements déjà pris par la France (précisément, les engagements pour la réalisation desquels elle s'est dotée de moyens), ou de renforcer l'ambition de la France dans chacun des secteurs de la transition écologique, les résultats sur l'empreinte écologique, sur la biodiversité, sur la santé et sur les emplois ne seront pas les mêmes », explique l'ONG. Pour le savoir, cette dernière a fait appel au système de modélisation du GFN, auquel elle a associé des données macroéconomiques plus ou moins extrapolées en fonction des actions qui seront réalisées au cours des cinq années à venir. Le système du GFN a ainsi permis au WWF France d'estimer l'empreinte globale de la France, découpée en plusieurs composantes : les émissions de gaz à effet de serre, l'utilisation des surfaces par l'activité agricole, l'exploitation des forêts pour le bois d'œuvre ou de chauffage, le taux d'artificialisation des terres pour la construction et l'intensité de la pêche. Agir pour réduire l'empreinte dans chacune de ces composantes doit permettre à la France de « gagner » un certain nombre de jours sur la vitesse à laquelle elle épuise la totalité théorique de ses ressources naturelles annuelles.
Gagner vingt-cinq jours en cinq ans
En revanche, selon le WWF France, le pays a la capacité de réaliser un recul bien plus important : d'au moins vingt-cinq jours en cinq ans. Pour arrêter le jour du dépassement de la France au 30 mai 2027, l'association préconise un scénario « planification écologique » s'appuyant sur un renforcement des engagements politiques préexistants et une série de mesures sectorielles, comme :
- atteindre 700 000 rénovations « performantes et globales en une à deux étapes seulement » chaque année ;
- baisser de 20 % la consommation en protéines animales par rapport à 2022 (par exemple, manger de la viande rouge, non importée, tous les trois jours plutôt que tous les jours) et, plus spécifiquement, de 50 % la consommation de poissons prédateurs (saumon, thon, etc.) ;
- porter à 18 % la part des véhicules électriques dans le parc automobile et à 15 % celle du vélo dans l'ensemble des trajets ;
- et réaliser les objectifs de réduction du gaspillage alimentaire et de l'artificialisation des sols, finaliser la Stratégie nationale sur la biodiversité (SNB) et réviser le plan stratégique national en faveur de l'agroécologie dans le cadre de la Politique agricole commune (PAC).
Les cobénéfices de la planification écologique
Reculer le jour du dépassement de la France n'est pas le seul bénéfice d'un « virage écologique ». Dans son scénario « planification écologique », le WWF France estime notamment entraîner un doublement du nombre d'emplois « soutenus » par la transition écologique : passer de 680 000 à 1,2 million d'emplois dans les secteurs concernés. En respectant la SNBC et en réduisant les émissions de gaz à effet de serre, elle chiffre également à 28 000 le nombre de vies humaines sauvées par l'amélioration de la qualité de l'air à l'échelle nationale en 2027. De plus, les mesures prises pour atténuer l'empreinte de la France peuvent « contribuer à l'effort collectif de protection de sept espèces témoins » : les coraux, le hêtre, le lynx d'Europe, la rainette verte, le thon rouge, les hirondelles rustiques et les abeilles sauvages.
« Gagner vingt-cinq jours, c'est peu, mais cela évitera de reculer et amorcera une progression sur les décennies à venir pour retrouver, peut-être, un jour du dépassement en décembre, remarque Pierre Cannet. D'autant qu'une partie non négligeable de notre empreinte globale repose sur l'importation. Il reste donc encore des efforts à faire à l'étranger, notamment en Europe, pour accompagner la planification écologique à l'échelle nationale. »