Le Parlement a définitivement adopté, le 6 juillet dernier, le projet de loi (1) sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale. Supprimées en première lecture par l'Assemblée nationale, les infractions environnementales ont été réintroduites par la commission mixte paritaire, chargée de trouver un compromis sur le projet de texte, dans le champ de compétence des "tribunaux correctionnels dans leur formation citoyenne".
Délits punis de cinq ans d'emprisonnement
La loi prévoit que deux citoyens assesseurs siègeront désormais aux côtés de trois magistrats au sein du tribunal correctionnel pour juger un certain nombre de délits. Parmi ceux-ci figurent "les infractions prévues au Code de l'environnement passibles d'une peine d'emprisonnement d'une durée égale ou supérieure à cinq ans". Ne sont pas concernées les infractions relevant de la délinquance organisée, de même que les délits en matière de chasse, de pêche, de protection de la faune, de la flore, et du cadre de vie.
L'Assemblée nationale avait choisi d'exclure les infractions au Code de l'environnement du texte de loi pour deux raisons. " Premièrement, pour des citoyens non juristes, ces infractions sont autrement plus complexes à appréhender, s'agissant de leurs éléments constitutifs et des questions d'imputabilité et de responsabilité pénale qu'elles soulèvent, que des délits de vol, de violences aux personnes ou d'homicide involontaire", souligne Sébastien Huyghe, député UMP et rapporteur de la commission mixte paritaire.
Deuxièmement, sur un plan pratique, les infractions concernées sont pour l'essentiel des procès de marées noires." Les tribunaux correctionnels citoyens, tels que prévus dans ce projet de loi et s'ils existaient déjà, n'auraient eu à juger qu'un seul délit environnemental puni de plus de 5 ans de prison : la catastrophe écologique de l'Erika", confirme France Nature Environnement (FNE).
De plus, le jugement de telles affaires peut être extrêmement long : quatre mois de débats et six mois de rédaction du jugement pour le procès Erika. "Les citoyens convoqués auraient donc dû se mettre à la disposition de la justice, non pas pendant dix jours, comme le prévoit notre texte, mais pendant presque un an", fait ressortir Sébastien Huyghe.
Pour ces raisons, "il faudra, à mon sens, réexaminer avec la plus grande attention cette question du champ de compétence du tribunal correctionnel dans sa formation citoyenne, lorsque viendra le temps de la généralisation de la présence des citoyens assesseurs dans les tribunaux correctionnels", avertit le rapporteur.
Opposition des associations
Pour le président de FNE, Bruno Genty, "avant de vouloir changer les règles du droit de l'environnement, il serait urgent de veiller à son respect, son application, sans qu'il soit besoin d'inventer de nouveaux outils. De nouveaux moyens, humains et financiers, seraient déjà un acquis majeur pour témoigner d'une volonté politique réelle ».
Ce qui importe le plus, à l'heure actuelle, c'est, précise Bruno Genty, "que le trafic d'espèces protégées et de déchets soit regardé comme de la délinquance en bande organisée (…), que le fait d'exposer l'environnement à un risque connu en violation d'une obligation de prudence ou de sécurité soit réprimé, que les procureurs considèrent de la même façon la délinquance environnementale et l'atteinte aux biens, et que les juges disposent des moyens d'interrompre la commission des infractions environnementales dans l'attente du jugement".
Crime de terrorisme écologique
Quant au volet criminel de la réforme, aucun changement notable pour ce qui a trait à l'environnement n'est à signaler.
La loi avait pour ambition de "moderniser le fonctionnement des cours d'assises, notamment afin d'éviter la pratique trop fréquente de la correctionnalisation des crimes".
Mais le projet du Gouvernement de mettre en place une cour d'assises simplifiée n'a pas été retenue par le Parlement. La réduction de neuf à six jurés en première instance a en revanche été votée, solution qui, selon le Garde des sceaux, "permettra une augmentation conséquente du nombre d'affaires jugées chaque année".
Le crime de terrorisme écologique prévu par l'article 421-2 du Code pénal (2) est théoriquement impacté par cette réforme. Mais cela reste une hypothèse d'école, car aucune poursuite n'a jusqu'à présent été exercée sur ce fondement.
Saisine du Conseil constitutionnel
En outre, la loi doit encore passer l'obstacle du Conseil constitutionnel, les députés de l'opposition considérant que le texte est anticonstitutionnel et qu'il ne garantit pas l'efficacité de la justice, notamment du fait qu'il prévoit une phase expérimentale pour la mise en œuvre de certaines de ses dispositions.
"Il y a en particulier une rupture d'égalité, d'une part à cause de l'expérimentation et, d'autre part, parce que, selon les endroits et la qualification donnée par le parquet aux comportements générateurs d'infractions, les gens seront jugés différemment pour une même infraction. Par conséquent, ce dispositif est tout à fait contraire au principe d'égalité, et nous saisirons sur ce motif le Conseil constitutionnel", a indiqué George Pau-Langevin, député socialiste.