La société Lhyfe vient d'inaugurer sa toute nouvelle usine de production d'hydrogène. Elle est installée sur une plateforme flottante déjà mise à l'épreuve par la société GEPS Techno pendant deux ans en mer. Une première mondiale. Encore à la taille du démonstrateur, l'usine va être testée pendant six mois à quai, puis pendant un an au large des côtes du Croisic (Loire-Atlantique), à environ un kilomètre de l'éolienne flottante installée sur le site d'essai SEM-REV, opéré par l'École centrale Nantes, l'école d'ingénieurs qui participe activement à ce programme expérimental. L'éolienne et la plateforme seront donc connectées pour produire de l'hydrogène vert en mer. Voir le reportage vidéo.
L'hydrogène pour stocker les ENR marines
Beaucoup d'attentes reposent sur le développement de l'hydrogène. En effet, l'usage de cette énergie ne rejette pas de CO2, à condition que ce gaz soit produit à partir des énergies renouvelables (hydrogène vert). À l'inverse, la production d'hydrogène gris, à partir d'hydrocarbures, génère 10 kg de CO2 par kilo d'hydrogène. Elle ne présente donc pas d'intérêt écologique. Mais pour produire de l'hydrogène vert, il faut s'appuyer sur l'électrolyse de l'eau réalisée grâce à des énergies renouvelables. Une méthode très chère, d'autant plus qu'en mer, l'eau doit d'abord être désalinisée.
La France a pour ambition de développer l'éolien en mer, posé et flottant, pour atteindre une puissance de 5 GW en 2028. Mais les éoliennes ne produisent pas toujours en phase avec les besoins électriques du réseau, le surplus, voire la totalité, pourrait être transformé en hydrogène.
Problème : pour que les parcs éoliens en mer se développent sans trop d'encombres, ils sont installés loin des côtes afin de ne pas nuire au paysage. Une distance coûteuse. Le prix du raccordement électrique entre une éolienne et une usine de production d'hydrogène sur la côte serait tel qu'il semble préférable (selon les cas) de produire directement de l'hydrogène en mer, sur une plateforme flottante, proche de l'éolienne. Puis de livrer le carburant via des pipelines.
Des tests essentiels pour valider la technologie
Mais avant d'aller plus loin, de nombreux essais restent à réaliser en conditions réelles. Notamment pour vérifier que l'usine prototypée de la société Lhyfe fonctionne correctement en mer, où les conditions sont difficiles. « Avec des vagues de 15 mètres et des vents de 150 kilomètres par heure », détaille Bertrand Alessandrini, chercheur à Centrale Nantes. Il va falloir vérifier que l'eau puisée en mer, nécessaire à la production d'hydrogène, soit bien dessalinisée et purifiée, vérifier les différents problèmes liés à la corrosion. Et aussi, faire fonctionner la plateforme en milieu isolé, sans l'intervention physique d'un opérateur en dehors des phases de maintenance… Les défis sont nombreux.
Pendant le test, cette usine de 1 MW produira environ 400 kg d'hydrogène par jour. Mais les objectifs de la société Lhyfe sont bien plus ambitieux. « Les usines à taille industrielle seront 100 à 200 fois plus grosses que notre démonstrateur, et nous avons déjà établi un plan de développement massif pour l'avenir », annonce Thomas Créach, le directeur technique de la société. À l'horizon 2030-2035, Lhyfe entend fournir une puissance de 3 GW d'hydrogène. Un carburant utilisé pour décarboner des flottes de véhicules, bus, camions, bateaux, avions, ou des industries, qui fonctionnent encore au gaz naturel. L'hydrogène peut aussi servir de moyen de stockage de l'énergie et être à nouveau transformé en électricité grâce à des piles à combustible ou encore alimenter en partie le réseau de gaz naturel… Le potentiel est énorme. À voir à quel coût ce carburant sera produit et donc à quel prix il sera vendu pour trouver un équilibre économique cohérent.