Nouveau coup de théâtre dans le transfert des compétences eau et assainissement : la version issue du Sénat du projet de loi Engagement et proximité (1) supprime le transfert obligatoire des compétences eau et assainissement aux communautés de communes et d'agglomération.
Contesté, ce transfert a déjà fait l'objet de différents ajustements.
Dans sa version initiale, issue de la loi portant la nouvelle organisation territoriale de la République, cette disposition prévoyait que les communes transfèrent, à titre obligatoire, ces compétences aux communautés de communes et aux communautés d'agglomération à partir du 1er janvier 2020. Une première modification a été introduite dans la loi relative à la mise en œuvre du transfert des compétences eau et assainissement : elle ouvrait une porte aux communautés de communes pour reporter l'opération au 1er janvier 2026.
Dans la première version du projet de loi Engagement et proximité, cette possibilité avait été étendue : le texte proposait de prolonger le vote pour ce mécanisme de blocage jusqu'au 1er janvier 2020 (exclu ).
Suppression du transfert obligatoire
Lors de la première lecture, les sénateurs ont donc souhaité aller au-delà des assouplissements et supprimer le transfert obligatoire. « Pour avoir sa propre géographie, l'eau implique une gestion qui ne correspond pas du tout aux frontières administratives, a constaté Josiane Costes, sénatrice du Cantal du groupe Rassemblement démocratique et social européen, lors de la séance publique. La suppression du transfert obligatoire de la compétence en matière d'eau et assainissement aux communautés de communes et aux communautés d'agglomération, que notre groupe a soutenue, s'insère dans cette réalité d'une gestion différenciée des territoires qui va, finalement, dans le sens de l'histoire ».
La version proposée par les sénateurs permet également le transfert « à la carte » de compétences facultatives aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre, par leurs communes membres. Elle prévoit deux étapes pour cette disposition : tout d'abord, le conseil communautaire définit une liste de compétences susceptibles d'être transférées et chaque conseil municipal peut, après, demander ou non le transfert de tout ou partie de ces compétences. Ce transfert serait ensuite décidé par délibérations concordantes du conseil communautaire et des conseils municipaux.
Les sénateurs ont également introduit dans la loi une procédure pour qu'un EPCI restitue des compétences facultatives à ses communes membres.
Ils ont supprimé dans les communautés de communes et les communautés d'agglomération la catégorie des compétences optionnelles : compétences parmi lesquelles les communes membres d'un EPCI doivent faire un choix, afin de transférer un certain nombre d'entre elles à leur intercommunalité.
« Sécabilité »des compétences déléguées
Une attention portée sur l'état des réseaux
Le projet de loi propose que lorsqu'une commune transfère l'ensemble des compétences relatives à l'eau à un EPCI, elle transmet le schéma de distribution d'eau potable ainsi qu'un état financier de l'exercice de la compétence. Les sénateurs ont introduit une disposition lorsque le niveau de fuite est important : lorsque le taux de perte nécessite un plan d'action (supérieur au niveau fixé par décret) le transfert de compétence s'accompagne du transfert du solde positif du budget annexe du service d'eau.
La convention peut définir une disposition contraire ou un transfert partiel de budget en fonction de l'état du réseau.
Autre assouplissement introduit par les sénateurs : la possibilité pour les collectivités territoriales (2) de déléguer une compétence de manière partielle. « Les compétences des collectivités et des EPCI sont en effet définies de manière large et parfois peu claire, et instaurer de la souplesse dans les délégations de compétences permet d'améliorer l'exercice par le bloc local de ses compétences », ont justifié les rapporteurs Mathieu Darnaud, sénateur Les Républicains de l'Ardèche et Françoise Gatel, sénateur Union Centriste d'Ille-et-Vilaine.
Les sénateurs ont également ouvert la délégation par un EPCI à un département ou à une région.
« Ce projet de loi marque, sinon un coup d'arrêt, en tout cas une pause dans la démarche volontariste mise en œuvre au cours de la dernière décennie, visant à faire grossir de façon autoritaire et parfois même arbitraire les intercommunalités et à imposer le transfert à celles-ci d'un certain nombre de compétences », a souligné, lors des discussions en séance publique, Cécile Cukierman, sénatrice de la Loire du groupe Communiste.
Des appels du pied au Gouvernement
Outre les discussions sur le projet de loi Engagement et proximité, des évolutions pourraient également venir de prochains textes.
« Ce projet de loi constitue une étape, a pointé Claude Malhuret, sénateur Les Indépendants de l'Allier. Le Gouvernement nous annonce qu'il sera suivi, l'an prochain, d'un texte portant sur la décentralisation, la déconcentration et la différenciation. Le Sénat, chambre des territoires, l'examinera et l'enrichira avec la même rigueur et le même sérieux que pour le projet de loi relatif à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique. »