Le ministre de l'Economie a présenté ce mercredi 10 décembre son projet de loi (1) pour la croissance et l'activité en Conseil des ministres. Deux jours plus tôt, le Conseil d'Etat avait émis un avis favorable (2) à son adoption tout en soulignant "le caractère lacunaire et les graves insuffisances de l'étude d'impact sur nombre de dispositions du projet".
"Nous devons aller vite et être pragmatique", a déclaré Emmanuel Macron, précisant que le texte serait enrichi dans les semaines à venir, alors que son examen par l'Assemblée nationale doit débuter le 22 janvier prochain. Le ministre de l'Economie a indiqué que les décrets d'application seraient pris dans la foulée de l'adoption de la loi, ou à la fin de l'année 2015 pour les plus complexes.
Accélérer les grands projets
Plusieurs articles du projet de loi ont pour but d'"accélérer les grands projets pour favoriser le retour de la croissance". Les objectifs fixés par le Gouvernement ? Délivrer les permis de construire en cinq mois, soutenir la filière du BTP en pleine crise, et sécuriser les projets comme le Grand Paris.
Si une disposition du projet de loi prévoit la possibilité pour l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) d'examiner "la conformité des options de sûreté des modèles d'installations nucléaires destinées à l'exportation", l'article contesté relatif au projet Cigéo a en revanche bien disparu du texte.
Conformément à la première version dévoilée en novembre, le projet de loi prévoit d'étendre l'expérimentation de l'autorisation unique en matière d'installations classées (ICPE) aux projets d'intérêt économique majeur sur l'ensemble du territoire. Il habilite également le Gouvernement à prendre par ordonnance toute mesure permettant de pérenniser cette expérimentation, de même que celle de l'autorisation unique pour les installations relevant de la loi sur l'eau. Il prévoit aussi une extension de l'expérimentation du certificat de projet à l'Ile-de-France pour les projets d'intérêt économique majeur.
Le texte habilite par ailleurs le Gouvernement à prendre par ordonnance des mesures législatives visant à réformer l'étude d'impact et l'enquête publique. Ces mesures avaient également été dévoilées courant novembre. "Le recours aux ordonnances est souvent contraire à l'objectif de qualité et de sécurité du droit", déplore toutefois Arnaud Gossement, avocat spécialisé en droit de l'environnement, qui regrette le processus participatif mis en œuvre dans le cadre des Etats généraux de la modernisation du droit de l'environnement. "Ce projet de loi doit évoluer suite aux perspectives ouvertes par le Président de la République" lors de la Conférence environnementale, estime également Florence Denier-Pasquier, vice-présidente de France Nature Environnement (FNE).
Majoration de constructibilité
"Cette loi vise également à développer le logement, et particulièrement le logement intermédiaire, entravé à la fois par des difficultés techniques et réglementaires", indique Emmanuel Macron. Le projet de loi prévoit ainsi des mesures de simplification visant à remédier à plusieurs difficultés constatées par le ministère de l'Economie : délai de délivrance des avis périphériques au droit des sols trop long, complexité des régimes d'autorisation, volume trop important des études environnementales à produire.
Ainsi, les communes pourront délimiter, au sein de leurs documents d'urbanisme, des secteurs à l'intérieur desquels la réalisation de logements intermédiaires – c'est-à-dire des habitations à loyers maîtrisés - pourra bénéficier d'une majoration de constructibilité pouvant aller jusqu'à 30%.
Le projet de loi contient également des dispositions relatives à l'action en démolition de constructions illégales. En cas d'annulation d'un permis de construire, le propriétaire ne peut désormais être condamné à détruire sa construction que si celle-ci est située dans une zone naturelle ou architecturale remarquable, dans une zone couverte par un plan de prévention des risques technologiques (PPRT) ou naturels (PPRN), ou grevée de servitudes au titre du code de l'environnement. "Cet article est un véritable scandale et doit absolument être supprimé, s'indigne Raymond Léost, responsable du réseau juridique de FNE. Le message adressé est catastrophique : « pour construire en violant les règles d'urbanisme, privilégiez le passage en force, une fois la construction réalisée, plus personne ne pourra s'y opposer »".
Libéraliser le transport par autocar
"Aujourd'hui, la mobilité en France repose à 83% sur les véhicules particuliers et à 17% sur les transports collectifs", constate le ministère de l'Economie. Or, précise-t-il, le car reste en quasi-totalité un monopole des autorités organisatrices de transport (Etat, région, département, ville) qui fixent les liaisons et les tarifs. L'idée est donc de libéraliser l'offre de services de transport par autocar sur tout le territoire.
Cette libéralisation pourrait créer près de 10.000 emplois selon des chiffres de l'Autorité de la concurrence. De plus, ajoute Bercy, "l'autocar n'est pas forcément plus polluant que le train et l'est beaucoup moins que la voiture individuelle". Les autocars respectant la norme Euro 6 émettent deux fois moins de particules que ceux de 2013 et 13 fois moins qu'en 2001, précise le ministère. En outre, complète-t-il, sur les liaisons régionales, les émissions de CO2 par voyageur kilomètre sont plus faibles de 30% environ pour les autocars que pour les trains.
Le projet de loi entend enfin réguler les concessions autoroutières afin de limiter les hausses de tarifs et de contrôler les marchés de travaux sur le réseau autoroutier. Pour cela, il étend les compétences de l'Autorité de régulation des activités ferroviaires (Araf) à la régulation du secteur autoroutier et du transport routier de personnes. Rebaptisée "Arafer (3) ", cette instance aura pour mission de surveiller les négociations tarifaires avec les sociétés concessionnaires d'autoroutes, mais aussi d'analyser l'impact de la libéralisation du transport par autocar.