Cependant, un rapport de l'association de protection de l'environnement Greenpeace, publié en février 2006 et basé sur plusieurs études scientifiques, avait fait état de quelques dysfonctionnements. La quantité d'insecticide produite par chaque épi de maïs semblait varier de 1 à 100 selon les plantes. La toxine était également susceptible de nuire à d'autres papillons non ciblés alors que la pyrale du maïs pourrait présenter une résistance à l'insecticide. Par ailleurs, ces études avaient mis en évidence une possible contamination des sols par la toxine qui serait transpirée à partir des racines de la plante.
Suite à la publication du rapport de Greenpeace, le gouvernement allemand avait décidé de suspendre l'autorisation de ce maïs et par conséquent la vente de semence en attendant la mise en place d'un plan d'observation sur l'environnement. C'est ainsi que l'Office allemand pour la protection des consommateurs (BVL) avait adressé un courrier à Monsanto lui demandant de ne pas commercialiser le MON810. L'Allemagne avait rejoint ainsi l'Autriche qui a interdit le MON810 en 1998 et après elle, la Grèce, l'Italie, la Suisse, la Hongrie et la Pologne. Une directive européenne permet en effet à un gouvernement d'interdire un OGM si des études scientifiques parues depuis l'autorisation de commercialisation indiquent qu'il existe des risques pour la santé et l'environnement.
Monsanto France avait alors suggéré à l'organisation Greenpeace de la soumettre aux autorités réglementaires et scientifiques françaises ou européennes car la variabilité de plante à plante est un phénomène banal dans les systèmes biologiques, l'environnement ayant naturellement un effet sur les organismes vivants et sur leur métabolisme. N'ayant absolument aucun lien entre elles, l'étude de Greenpeace et la demande du gouvernement allemand n'apportent, ni l'une ni l'autre, aucun élément nouveau au dossier du maïs MON810 , avait déclaré, le 30 mai dernier dans un communiqué, Yann Fichet, Directeur des Relations Extérieures de Monsanto Agriculture France.
Dans ce contexte, le 24 mai dernier, Alain Juppé, Ministre de l'Ecologie, du Développement et de l'Aménagement durables et sa collègue de l'Agriculture et de la Pêche, Christine Lagarde, avaient demandé à la Commission du génie biomoléculaire (CGB) une nouvelle évaluation sanitaire sur ce maïs transgénique, autorisé depuis 1998 à la culture et à la vente en France, le premier avis remontant à avril 1996. Le ministre de l'écologie avait même évoqué la possibilité de suspendre son autorisation même si la ministre de l'agriculture a, par la suite, désavoué ces propos.
L'avis de la Commission du Génie Biomoléculaire vient d'être rendu public : il relève qu'il n'y a pas à ce jour d'éléments de nature à remettre en cause l'évaluation environnementale de ce maïs, indique un communiqué conjoint des deux ministres. La Commission du génie biomoléculaire relève que l'étude ayant notamment conduit à ce réexamen s'appuie sur un protocole ne permettant pas de déterminer si les concentrations de toxines Bt observées dans ce cadre correspondent à la production réelle de toxines dans les plantes testées. Selon la CGB, les études en laboratoire montreraient par ailleurs un bon contrôle des individus sensibles tandis qu'une étude récente révélerait que les variétés MON810 n'ont pas plus d'impact sur les invertébrés non cibles que les autres variétés de maïs Bt.
Le maïs transgénique MON810 de Monsanto continuera donc d'être cultivé en France et d'y être vendu pour l'alimentation animale. M. Juppé et Mme Lagarde ont assuré toutefois qu'ils feront preuve d'une grande vigilance sur la manière dont sont conduites en France les cultures d'organismes génétiquement modifiés.
Du côté des associations de protection de l'environnement, on a immédiatement réagi. Greenpeace qui condamne cette décision, a déploré que les ministres n'appliquent pas le principe de précaution. Face aux incertitudes scientifiques sur les OGM, la décision du gouvernement de ne pas instaurer de moratoire sur le maïs OGM MON810 montre que l'environnement et la santé humaine pèsent bien peu face au lobby de l'agriculture transgénique, souligne, dans un communiqué, Arnaud Apoteker, responsable de la campagne OGM. De son côté, Agir pour l'Environnement a dénoncé le manque d'indépendance de la CGB et s'interroge sur le sérieux d'une commission qui émet un avis sans avoir les moyens de vérifier si ses allégations sont corroborées par la réalité de terrain. Alors que le chiffre de 30.000 ha de cultures transgéniques est régulièrement avancé, personne ne connaît précisément les lieux de culture, indique l'association dans un communiqué.
Le parti politique CAP 21, présidé par Corinne Lepage a, quant à lui, manifesté son étonnement : cette décision est encore une fois l'illustration du poids des lobbies alors que le principe de précaution imposait de déclencher une expertise indépendante et de suspendre l'autorisation de commercialisation dans l'attente des résultats, note Eric Delhaye, le porte-parole national de CAP 21 qui estime que les processus d'évaluation, qui excluent à ce jour les toxines, mériteraient d'etre complètement revus. Il souhaite de fait la création d'une commission impartiale en remplacement de la CGB composée, selon lui, très majoritairement de partisans des OGM.