directeur réseau ERDF
Marc Bussieras : Nous avons engagé une expérience pilote de 300.000 compteurs intelligents autour de la ville de Tours pour la zone rurale et de Lyon pour la zone urbaine. Notre projet est d'engager une généralisation de ces compteurs sur l'ensemble du territoire entre 2012 et 2017. La Commission européenne se positionne de plus en plus clairement pour un développement de compteurs intelligents. Les avantages de ces équipements sont multiples : ils permettent de faciliter la vie du client en évitant les déplacements physiques (relevés de compteurs…), de donner une information riche sur sa consommation et donc de l'ajuster plus facilement, d'améliorer l'exploitation du réseau. Ce sont à la fois des systèmes d'informations, de télécommunications et de pilotage. Ils peuvent donc participer à la maîtrise de la demande. On peut imaginer par exemple, en cas de tension sur le réseau, procéder à un délestage ponctuel sur le chauffage, la climatisation. Ce n'est pas un effacement mais davantage un déplacement temporel des consommations : cela les enlève d'un moment de pointe pour les mettre dans une période creuse. La question est de savoir si cela facilite la vie des réseaux ou pas.
AE : Quelles sont les conséquences du développement de la production décentralisée sur le réseau électrique ?
MB : Le développement des énergies nouvelles peut nécessiter la mise en place de réseau supplémentaire. Souvent, par exemple, les grandes éoliennes sont implantées dans des zones peu habitées où le réseau est limité. Les installations de petite puissance, installées chez le particulier, ne posent par contre pas de problème aujourd'hui. Mais à terme, la multiplication de la microproduction risque de mettre le réseau sous pression, il faudra alors le renforcer. A moyen et long terme, l'enjeu est de savoir si l'on peut éviter le renforcement de réseau pour la petite puissance à travers le pilotage intelligent. Faire correspondre, par exemple, une intermittence des énergies renouvelables avec la recharge de véhicules électriques. La question est de savoir quelle est notre capacité collective pour piloter au mieux les différentes sollicitations.
AE : Justement, un développement massif de véhicules électriques pourrait-il poser un problème à terme sur le réseau ?
MB : Nous avons beaucoup d'échanges sur ces questions-là. Aujourd'hui, selon que l'on s'oriente sur une recharge douce, lente ou au contraire sur une recharge rapide, les conséquences ne sont pas les mêmes. La recharge rapide nécessiterait le développement de capacités supplémentaires. Le développement de ''stations-service'' de recharge nécessite des arrivées haute tension et donc des infrastructures importantes. Les effets de synchronisme (plusieurs voitures rechargées en même temps) pourraient créer des besoins énormes. La recharge douce, répartie sur les logements et la voie publique, n'aurait pas la même ampleur et donc pas le même impact.
AE : Où en est-on aujourd'hui du raccordement des installations d'énergie renouvelable ?
MB : Nous avons largement progressé sur le raccordement des petites puissances. Nous faisons face aujourd'hui à un développement extraordinaire. Nous avons dû simplifier les procédures. Le délai moyen est de 4 à 5 mois. Nous pouvons encore progresser. En ce qui concerne la moyenne puissance (environ 200 kW), les délais de raccordement s'étalent entre 6 et 12 mois. Nous pouvons faire mieux et simplifier les procédures.
Pour les grandes installations, supérieures à 10 MW, la problématique est différente. Si ERDF ou RTE doit construire du réseau supplémentaire, cela demande des années de procédure. Et ce type de délai n'est pas compressible. A la différence d'une centrale nucléaire où le temps de construction est de 5 à 10 ans, la vitesse de réalisation d'un parc éolien ou d'un parc photovoltaïque, inférieure à deux ans en moyenne, n'a pas de rapport avec la vitesse de raccordement. C'est structurel. La difficulté aujourd'hui, c'est qu'il est impossible d'anticiper là où les grands équipements d'énergie renouvelable vont émerger. Le Grenelle 2 devrait changer la donne et aboutir à une planification de leur développement.
Autre difficulté : aujourd'hui nous facturons au demandeur les conséquences de sa demande sur le réseau existant. Lorsque le réseau ne peut pas supporter la nouvelle installation, il faut construire une infrastructure de gros gabarit. Le demandeur doit supporter le coût de ce développement. Avec l'évolution de la réglementation prévue dans le Grenelle 2, nous pourrons anticiper les zones d'accueil et facturer de manière collective le développement du réseau. Cela devrait faciliter les projets.