L'inclusion du transport aérien international dans le marché carbone de l'Union européenne (EU-ETS) "n'est pas seulement une mesure pour lutter contre le changement climatique, il s'agit également d'une décision politique et économique", estiment l'Académie chinoise des sciences sociales (Cass) et l'Administration météorologique nationale dans un récent rapport, explique l'agence de presse officielle Xinhua.
L'Académie recommande donc aux compagnies aériennes chinoises d'intenter une action en justice contre l'Union européenne (UE) tout en limitant leurs émissions de CO2 en utilisant des agro-carburants, en améliorant l'efficacité des moteurs et en optimisant les lignes aériennes.
Responsabilité des pays industrialisés
Les deux institutions chinoises avancent principalement que la mesure européenne s'oppose aux règles internationales de la lutte contre les changements climatiques, et notamment à celles adoptées via la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC).
Concrètement, les Chinois reprochent aux Européens de ne pas avoir prévu de mécanisme d'aides financières ou technologiques pour soutenir les compagnies aériennes des pays en voie de développement.
Selon la CCNUCC, avancent les autorités chinoises, les pays développés doivent assumer leurs responsabilités en matière de réduction des émissions de carbone et apporter un soutien financier et technologique aux pays en développement. L'inclusion des compagnies aériennes issues des pays du Sud constituerait donc "une violation évidente de ce principe".
Assurer la domination du marché européen
Si les autorités chinoises reconnaissent que l'ambition initiale de l'UE est d'établir une contrainte sur les émissions de CO2 du transport aérien, elles estiment néanmoins que trois autres objectifs sous-tendent le projet.
En premier lieu, l'UE chercherait à avoir plus de poids dans les négociations climatiques. L'UE tenterait aussi de protéger les intérêts de ses propres compagnies aériennes, une situation "injuste à l'égard de l'industrie de l'aviation des pays en développement".
Enfin, l'Europe chercherait surtout à renforcer la position de leader de son mécanisme d'échange de quotas afin de s'assurer un avantage dans la perspective d'un futur marché mondial de carbone. En l'occurrence, une telle velléité entrerait en opposition avec la volonté de la Chine qui envisage de créer un marché carbone d'ici 2015. Si Bruxelles et Pékin collaborent sur ce sujet depuis un an, en particulier sur les détails opérationnels, les Autorités chinoises n'entendent pas se laisser forcer la main. La mise en place d'un projet pilote chinois "offre à la Chine un atout pour négocier avec l'UE à l'avenir", souligne Xinhua.
Les compagnies aériennes menacent
De façon plus classique les compagnies aériennes avancent une évaluation du surcoût engendré par la décision européenne et menace d'agir en justice. Selon leurs évaluations, elles pourraient faire face à un surcout d'environ 800 millions de yuans (environ 92,5 millions d'euros) en 2012 et 17,6 milliards de yuans au total d'ici 2020 (un peu plus de 2 milliards d'euros). Leur marge bénéficière et leur capacité à investir dans des technologies limitant les émissions de CO2 en souffriraient, une situation qui "[irait] à l'encontre de l'intention originelle de l'UE pour réduire les émissions".
Dans ce contexte, l'Association du transport aérien de Chine (Cata), envisagent de suivre le conseil de l'Académie et de poursuivre l'UE devant la justice. Elle n'avance cependant aucun détail concernant les poursuites qu'elle envisage.
Une succession d'oppositions
Cette affrontement est né après que l'Union européenne ait adopté en novembre 2008 la directive 2008/101/CE visant à intégrer l'ensemble des vols décollant ou atterrissant sur le sol européen, quelle que soit la nationalité des compagnies aériennes, dans le marché carbone de l'UE. Une décision vivement rejetée par les compagnies basées en dehors de l'UE.
En 2009, des compagnies aériennes et associations de compagnies aériennes basées aux États-Unis et au Canada ont introduit un recours en annulation dirigé contre la transposition par le Royaume-Uni de la directive européenne. La juridiction anglaise a saisi la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) et dans ce cadre, l'avocat général de la CJUE a rendu début octobre 2011 des conclusions défavorables aux compagnies aériennes. Loin d'atténuer les tensions, ces conclusions préfigurant d'une défaite des compagnies aériennes ont fait monter la tension d'un cran : la Chambre des représentants a adopté deux semaines plus tard un projet de loi interdisant aux compagnies aériennes américaines de respecter la réglementation européenne.
Enfin, début novembre, le Conseil de l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI) a adoptée une position exhortant l'Union européenne et ses Etats membres de s'abstenir d'inclure dans l'UE-ETS les compagnies aériennes basées en dehors de l'UE. Une démarche qui a déclenché une vive réaction de Connie Hedegaard, la Commissaire européenne au Climat, et de l'Association des compagnies aériennes européennes (AEA) qui ont déploré une position décevante et de nature politique.