Directeur d'ÖkoFEN France et président de Propellet Rhône-Alpes
Thomas Perrissin : Avec le choc pétrolier, une quinzaine de granulateurs est apparue en France, mais ceux-ci ont quasiment tous disparu avec le contre-choc pétrolier. La France était alors précurseur, avec les Etats-Unis, sur cette filière. À la fin des années 90, ce sont les pays nordiques et germanophones qui se sont lancés dans le granulé de bois avec deux conceptions bien différentes. Alors que les premiers ont développé le marché de la grosse puissance, l'Europe centrale s'est plutôt focalisé sur les petits poêles et chaudières. Le renouveau en France n'est apparu qu'en 2002 avec la construction d'un granulateur franco-italien en Savoie. Depuis, tout s'est accéléré. On compte une cinquantaine de granulateurs aujourd'hui.
AE : Quelle est l'organisation de la filière ?
TP : Sur la cinquantaine de granulateurs existants en France, seule une dizaine produit réellement de gros volumes. Depuis 2 ou 3 ans, les scieurs se sont équipés d'unités de granulation. Ils sont plus performants et leur logique est davantage industrielle. Le reste est composé d'unités de déshydratation spécialisées au départ dans l'alimentation animale (luzerne, betterave…) et qui ont souhaité se diversifier. Selon le SNPGB (syndicat national des producteurs de granulé de bois), la production nationale serait de 350.000 tonnes en 2009 pour 300.000 tonnes consommées. Nous sommes plutôt excédentaires aujourd'hui en France. Le surplus est destiné à l'exportation.
De nouveaux projets devraient voir le jour, comme une unité très importante dans les Landes. La production se situera alors au-dessus du marché, elle sera dans un premier temps dédiée à l'exportation en attendant que le marché français soit là…
AE : Justement, qu'en est-il de la demande ?
TP : La demande a globalement augmenté ces dernières années mais nous restons dans un marché marginal. Le granulé est consommé principalement pour des poêles et chaudières individuels. Sur 500 à 600.000 chaudières vendues chaque année, 5.000 fonctionnent à partir du granulé, soit 1 % du marché. Le marché du poêle s'est davantage développé avec 15 à 20.000 équipements vendus sur un marché global de 500.000. Les incitations actuelles (crédit d'impôt…) sont nécessaires. Nous appréhendons la baisse probable du crédit d'impôt, le marché n'est pas encore assez mature même si le prix du combustible nous permet d'être compétitif. Sur les chaudières, nous nous positionnons en remplacement du fioul et du gaz. Aujourd'hui, le granulé est 30 % moins cher que le fioul et ne subit pas les mêmes fluctuations malgré certains petits pics. Il y a également un avantage environnemental : on substitue du bois à des énergies fossiles. Pour ce qui est des poêles, le granulé est face à la bûche. L'autonomisme et l'autonomie des équipements à granulés les rendent plus performants. Sur le plan environnemental, si on compare les solutions bois, le granulé est de loin le meilleur. C'est une bonne solution, par exemple en complément d'un système de chauffage électrique. Le granulé est une solution trois fois moins chère que l'électricité.
AE : Une étude de l'ADEME datant de 2005 révèle que le bilan environnemental du granulé est meilleur que celui des énergies fossiles mais moins bon que celui des plaquettes et bûches. Qu'en pensez-vous ?
TP : Le bilan environnemental du granulé n'est pas si mauvais que ça ! Qu'il soit moins bon que la plaquette et la bûche ne me choque pas, du moment que l'on se situe sur un produit qui va remplacer le fioul. Le bilan environnemental peut évoluer très vite. Auparavant, certains granulateurs séchaient le bois au gaz, la grande majorité est désormais passée au bois. Ces améliorations tirent le bilan global vers le haut. Quant aux conditions d'emballage, la filière ne s'est pas stabilisée entre le plastique et le papier, mais je ne pense pas que cet impact-là soit le plus important. La multiplication des distributeurs sur le territoire (250 sur le vrac et immesurable sur les sacs) participe à réduire l'impact du granulé.
AE : Le combustible granulé est-il homogène en France ?
TP : Il existe aujourd'hui deux certifications qualité qui encadrent le granulé : la DIN Plus (certification allemande) et NF. Ces deux certifications sont très proches et un projet de certification européenne est en cours. Tous les gros producteurs de granulés sont certifiés aujourd'hui, ce qui doit représenter entre 50 et 80 % du marché.
AE : Et qu'en est-il du marché collectif ?
TP : Depuis 2 ans, commencent à apparaître des projets collectifs pour des puissances intermédiaires (200 à 300 kW) alors que jusque-là, ils étaient inexistants. Un marché de grosse puissance est poussé aujourd'hui mais il devrait rester marginal. Quant à la très grosse puissance, elle n'existe pas aujourd'hui en France. Ce n'est pas la logique de la filière. Cela se fait surtout dans les pays nordiques pour des raisons fiscales.