Le 3 novembre 2011, le Conseil de l'agriculture finistérienne (CAF) a adressé une lettre ouverte (1) à l'ensemble des exploitants du Finistère dans laquelle il annonce que "tant que l'Etat, la Région et les collectivités territoriales n'auront pas pris d'engagements forts sur [les six points avancés par le CAF, il refuse], de poursuivre la mise en œuvre du plan de lutte contre les algues vertes dans le Finistère". Il "[refuse de s']engager dans ces projets de territoires, tels qu'ils [lui] sont présentés actuellement".
Le CAF précise avoir "pris une position commune" le 25 octobre 2011 lors d'une réunion regroupant "l'ensemble des organisations professionnelles agricoles." Ce retrait des quelques 30 organisations représentées au CAF, parmi lesquelles se trouvent la Chambre d'agriculture, le Crédit agricole, le Crédit mutuel de Bretagne, la FDSEA, Groupama et les Jeunes agriculteurs, intervient alors que les acteurs économiques de cinq baies finistériennes (2) doivent finaliser les programmes d'actions relatifs à leur territoire d'ici fin 2011.
Six demandes préalables à la reprise du dialogue
En conséquence, "la profession agricole finistérienne ne peut cautionner des projets qui conduiraient inexorablement l'activité agricole vers le déclin", indique le Conseil qui a adressé au Préfet de Région Bretagne "un certain nombre de demandes préalables, restées sans réponse à ce jour".
Ces demandes sont au nombre de six : proposer des mesures "cohérentes du point de vue agronomique", assurer que les outils de pilotage de la fertilisation "[conservent] leur rôle pédagogique et [ne soient pas] utilisés à des fins de contrôle", faire évoluer la réglementation "de façon à faciliter la substitution de l'azote minéral par de l'azote organique et garantir la mise à disposition des terres", débloquer des moyens financiers pour l'épandage afin de permettre la mise en place d'installations de traitement des effluents d'élevage, garder le Schéma directeur départemental des structures comme base des décisions sur le foncier agricole et enfin formaliser par écrit les garanties sur la confidentialité des données individuelles.
Enfin, c'est la philosophie même du Plan algues vertes établi par le gouvernement qui est remis en cause. "Il faut rappeler que nous ne disposons toujours pas d'une expertise scientifique indépendante à l'échelle européenne, voire internationale, faisant la lumière sur le lien entre agriculture et marées vertes", estime le CAF.
Politiquement correct, leurre et illusion
Les représentants agricoles "se sont battus pour que les objectifs de réduction des flux d'azote soient réalistes et que les mesures proposées soient compatibles avec l'économie des territoires", explique le document qui formule cinq reproches à l'issue des réflexions menées par les groupes de travail mis en place afin d'élaborer un programme d'actions.
En premier lieu, "les objectifs de réduction des flux n'intègrent pas l'impératif de maintien de l'activité agricole et sont inatteignables dans les délais impartis", estime le CAF.
Ensuite, "les projets de territoire cèdent trop souvent à la facilité en adoptant des mesures dogmatiques relevant, avant tout, du « politiquement correct »", indique la lettre citant "les mesures systématiquement inscrites comme la conversion à l'agriculture biologique, le développement des circuits-courts ou la rétrocession des terres à des agriculteurs engagés en agriculture biologique, [qui] n'auront absolument aucun effet sur les flux d'azote".
Troisième reproche, "la « démarche ascendante », s'appuyant sur les propositions du terrain pour l'élaboration des projets de territoire, est un leurre", en particulier parce que "les revendications agricoles ne sont pas reprises dans les écrits".
De même, "la « démarche volontaire d'adhésion » des agriculteurs est (…) une illusion et se transformera en « adhésion obligatoire »", juge le CAF estimant que "des outils (…) présentés comme des indicateurs de l'engagement des agriculteurs, seraient transformés en moyens de contrôle".
Enfin, pour les agriculteurs finistériens "l'enveloppe financière du plan algues vertes soutiendra avant tout l'économie de services (analyses, diagnostics, accompagnements individuels…) au détriment de l'activité de production".