L'Afrique hausse le ton
En effet, depuis cet été les questions liées à la réduction des émissions de GES et au financement de l'aide aux pays en développement, sont au cœur des oppositions. Ainsi, après le G8 de l'Aquila, fixant un objectif de réchauffement global à 2°C, l'Alliance des petits Etats insulaires (Aosis) lançait en septembre l'initiative 1,5°C pour rester en vie qualifiant d'''inacceptable'' le dépassement de ce seuil. De même, alors que l'Union européenne (UE) estime l'aide financière à 100 milliards d'euros par an sans préciser sa contribution, les pays africains réclamaient en octobre une aide d'environ 45 milliards d'euros pour leur seul continent.
Cette fois-ci, l'Afrique, soutenue par une partie du G77, a durci sa position à l'ouverture de la réunion de Barcelone en menaçant de quitter les négociations. ''Des gens meurent maintenant, alors que les responsables historiques ne sont pas disposés à prendre des initiatives'' justifiait le 3 novembre Kamel Djemouai, le négociateur algérien, appelant ''les pays développés à s'engager à réduire d'au-moins 40%'' leurs émissions de GES d'ici 2020 par rapport à 1990. ''A moins d'un mois de Copenhague, cette menace des pays africains est un geste politique fort préfigurant de dures tensions si les intérêts des pays les plus vulnérables ne sont pas pris en compte'', explique Karine Gavand.
Pour Yvo de Boer, secrétaire exécutif de la CCNUCC, viser cet objectif reviendrait à ''tout reprendre depuis le début'' et une telle réduction entrainerait un coût ''énorme''. Selon Peter Krogh Sorensen, attaché climatique danois basé en Afrique du Sud, ''les discussions ne peuvent pas avancer sans [les pays africains]'', précisant qu'''il est particulièrement significatif qu'ils restent groupés''. Enfin, parlant au nom de l'UE, Anders Turesson, le délégué suédois, a jugé que l'objectif avancé par l'Afrique ''n'est pas déraisonnable'' sur le plan scientifique.
Les Etats-Unis pressés d'agir
Les jours suivants, des leaders européens, rappelant que l'UE s'est engagée via le ''Paquet Energie-Climat'', ont appelé les Etats-Unis à agir. Mardi, Angela Merkel, dans un discours devant le Congrès américain, a demandé aux législateurs de dépasser ''le mur des intérêts à courte vue'' en adoptant une loi sur le climat d'ici Copenhague et en acceptant des objectifs internationaux contraignants. Le lendemain, Fredrik Reinfeldt, Premier ministre suédois, reformulait cette attente : ''on ne peut pas laisser le premier responsable du problème en dehors de l'accord''.
Côté américain, Todd Stern, le principal négociateur, a indiqué mercredi devant la commission des Affaires étrangères de la Chambre des représentants que ''[les Etats-Unis ne peuvent] pas résoudre le problème sans des mesures majeures des pays aux économies émergentes et aucun pays ne tient entre ses mains le destin de la planète autant que la Chine''. Ainsi, il a appelé les chinois à changer ''leur mentalité'' qui, selon lui, fait porter la seule responsabilité aux pays développés. Parallèlement, la commission de l'Environnement du Sénat a approuvé jeudi le projet de loi sur le climat en l'absence des sénateurs républicains qui refusent d'étudier le texte avant que l'Agence de protection de l'environnement (EPA) n'ait réalisé une ''analyse économique complète''. Le texte doit encore être validé par 5 commissions sénatoriales avant son adoption en plénière.
Vers une déclaration politique ?
Dans le communiqué final, la CCNUCC constate que dans l'enceinte de l'ONU, ''peu de progrès ont été réalisé sur les deux problèmes clefs que sont les objectifs de réduction des pays développés et le financement de l'aide''. S'agissant de la négociation finale, de nombreuses voix envisagent l'adoption à Copenhague d'une déclaration politique associée à une liste d'engagements pris par différents pays. Ces textes seraient ensuite transcrits sous une forme juridique en 2010. Pour le WWF International un tel dénouement remettrait en cause la notion d'accord contraignant et permettrait de ''faire plaisir aux Etats-Unis et aux autres pays développés avec des formulations vagues''. Karine Gavand juge qu'''en réalité la lenteur de la négociation laisse ouverte de nombreuses options ce qui, avec de la volonté politique, rend encore possible un accord ambitieux''.
La négociation finale pourrait finalement se jouer entre les chefs d'Etat et de gouvernement qui remplaceraient les ministres de l'environnement normalement présents lors des Conférence des Parties de la CCNUCC. Il semblerait qu'une quarantaine d'entre eux ait annoncé être prêt à venir, a expliqué Yvo de Boer, évoquant notamment Gordon Brown, Angela Merkel, Nicolas Sarkozy ''et de nombreux dirigeants africains et des Caraïbes''. Mardi dans l'émission Good Morning America sur ABC, interrogé sur la présence de Barack Obama, Al Gore s'était déclaré ''certain qu'il assistera'' au sommet. Cependant, les négociateurs estiment en privé que les chefs d'Etat occidentaux, ne souhaitant pas être associé à un échec, ne se déplaceront que si la première semaine de Copenhague est fructueuse et qu'un accord se dessine.