Ce mercredi 8 décembre débute le mandat de la nouvelle coalition allemande, sous la direction du chancelier Olaf Scholz, élu le même jour. Une nouvelle ère politique s'ouvre et, avec elle, de nouvelles ambitions. À la suite des élections fédérales de septembre dernier, le parti social-démocrate (SPD) d'Olaf Scholz est arrivé en tête, au coude à coude avec l'Union chrétienne-démocrate (CDU), obligeant à la constitution d'une grande coalition tripartite avec les écologistes (Grünen).
Et cette situation inédite a marqué de son empreinte le programme négocié par les trois partis pour les quatre prochaines années. La transition énergétique prend une place importante dans le projet et les énergies renouvelables en sont la pièce maîtresse : « Même si le contrat de coalition n'a rien de juridiquement valable, c'est un des programmes les plus ambitieux de l'Allemagne sur le plan de la transition énergétique. Il y a énormément de choses dedans », analyse Murielle Gagnebin, spécialiste des politiques énergétiques UE France-Allemagne à l'institut Agora Energiewende.
Accélération de la sortie du charbon
Premier engagement et non des moindres : la nouvelle coalition veut désormais que l'Allemagne sorte du charbon en 2030 « si possible », soit huit ans plus tôt que prévu. Elle compte s'appuyer pour cela sur le marché carbone et se dit favorable à l'instauration d'un prix minimum du carbone et, surprise, d'un mécanisme aux frontières : « Nous utiliserons l'Union européenne et les instances internationales, en collaboration avec des partenaires européens, pour lancer une initiative visant à créer un club climatique international ouvert à tous les États, avec un prix minimum unique pour le CO2 et un mécanisme de compensation à la frontière », peut-on lire dans le contrat. L'Allemagne se rallie, par conséquent, à la France, partisane de ce mécanisme carbone aux frontières. « C'est un signal fort, la France s'est souvent confrontée à un mur sur ce sujet », confirme Murielle Gagnebin.
L'annonce n'est d'ailleurs pas passée inaperçue : « Elle a contribué à faire monter le prix du carbone sur le marché. Si le prix reste élevé, ça aidera l'Allemagne à se passer du charbon », fait remarquer la spécialiste. « Ce nouvel accord signifie échec et mat pour le charbon en Allemagne, se satisfait, de son côté, Riccardo Nigro, coordinateur de la campagne contre la combustion du charbon au Bureau européen de l'environnement. Désormais, le nouveau gouvernement allemand ne devrait pas gaspiller davantage d'argent public pour dédommager les opérateurs de lignite pour qu'ils se retirent d'une entreprise non rentable et nuisible, mais plutôt utiliser cet argent pour une énergie durable et renouvelable et pour assurer une transition juste. » L'ONG estime également, qu'avec ce nouveau calendrier, l'Allemagne exerce une pression sur d'autres États membres en retard dans leur plan de sortie du charbon, à savoir la Bulgarie, la Tchéquie et la Pologne.
Changement de braquet dans les ENR
Pour réussir cette sortie anticipée du charbon, l'Allemagne mise plus que jamais sur les énergies renouvelables : « C'est un changement de braquet assez radical par rapport à ces dernières années. Il va falloir construire en huit ans ce qui a été installé en vingt ans », résume Sven Rosner, directeur de l'Office franco-allemand pour la transition énergétique (Ofate). Les objectifs allemands sont en effet très ambitieux : faire passer la part des ENR dans la consommation d'électricité à 80 % d'ici à 2030 ; viser 200 GW de solaire au lieu de 54 GW aujourd'hui ; consacrer 2 % du territoire allemand à l'éolien terrestre. Cela revient tout simplement à tripler le rythme d'installation dans l'éolien et le solaire, selon les calculs d'Agora Energiewende, et à doubler la production : « 80 % d'ENR en 2030 correspond à 600 TWh de production pour 300 TWh aujourd'hui », précise Sven Rosner, de l'Ofate.
Le gaz et les transports comme angles morts
Pour Murielle Gagnebin, il est clair que tout va se jouer dans les premiers mois et que la réussite du programme dépendra du portage politique. Sur ce point, la création d'un ministère du Climat et de l'Économie qui sera confié à Robert Habeck, co-président des Verts, de même que celui des Affaires étrangères, qui revient à Annalena Baerbock, l'autre coprésidente écologiste, est plutôt une bonne nouvelle : « La composition du ministère de l'Économie est plutôt bien vue et sera en mesure de faire avancer les projets », estime Murielle Gagnebin. « La présence des Verts au ministère des Affaires étrangères pourra bénéficier à la Stratégie hydrogène vert de l'Allemagne, qui mise principalement sur l'importation », complète Sven Rosner. Mais les écologistes devront composer avec le libéral Cristian Lindner au ministère des Finances, un fervant défenseur de la rigueur budgétaire. « La question du financement de ce programme est la question la plus ouverte, qui va devoir rapidement se négocier », estime Mme Gagnebin.
Autres angles morts du contrat de coalition : les transports et le gaz. « L'accord semble laisser la porte ouverte au maintien du gaz fossile dans le mix énergétique allemand, avec des dispositions sur les « centrales à gaz prêtes pour l'hydrogène » et l'inclusion de l'hydrogène produit à base de méthane à court terme, mettant en péril les objectifs climatiques », estime le Bureau européen de l'environnement. Côté transports, « il n'y a pas de nouveautés et peu de choses par rapport aux enjeux », regrette Murielle Gagnebin. Le ministère des Transports est d'ailleurs associé au digital et confié aux libéraux.