Eric Laborde : Deux problèmes principaux expliquent le retard de la France en la matière. Tout d'abord, jusqu'en juin 2006, il n'y avait pas de marché du photovoltaïque en France et donc pas de programme digne de ce nom. Photowatt par exemple, exportait par exemple plus de 90 % de sa production de cellule solaire photovoltaïque jusqu'à l'an dernier. À partir de juin 2006, le marché a été aidé, subventionné, ce qui lui a permis de démarrer. Le tarif de rachat est actuellement fixé à 60 centimes par Kwh alors que le consommateur achète l'électricité à EDF 10 à 15 centimes. Les énergies vertes ont besoin de ce type de dispositif pour se développer. Aujourd'hui, on commence à trouver un équilibre, le dispositif est plutôt bon. Une dizaine d'années sera nécessaire avant que l'électricité photovoltaïque ne soit au même prix que l'électricité vendue par EDF. Pour cela il faudra qu'il y ait davantage d'installateurs et beaucoup plus de demandes pour faire baisser les coûts. A ce moment-là, le marché aura atteint sa maturité.
AE : Vous parliez d'un second problème propre à la France…
EL : Aujourd'hui, il y a un vrai marché, mais quid d'une industrie ? Nous avons un handicap majeur en France par rapport à l'Allemagne : très peu de territoires bénéficient de fonds structurels européens. Ces subventions permettent pourtant d'attirer des start-up, des entreprises... Ne pas en bénéficier nous prive d'une certaine attractivité. Les investissements dans ce secteur sont considérables. En France, il se peut qu'une industrie d'assemblage locale de panneaux solaires se développe ou que de grands groupes décident d'implanter leurs usines en France, mais le gros de l'emploi du secteur se situera au niveau des installateurs.
AE : Sur quoi la France peut-elle miser ?
EL : Notre seul moyen est de parier sur la R&D. Avec Solar Nano Cristal1, nous parions sur la prochaine génération de cellules photovoltaïques. Nous avons perdu la bataille sur la génération actuelle, il faut donc se concentrer sur le futur : les cellules à haut rendement. Je pense que les industries qui seront présentes en France tourneront autour de ce programme phare, développé avec le CEA Liten (le laboratoire d'innovation pour les technologies des énergies nouvelles et les nanomatériaux du Commissariat à l'énergie atomique), via ses équipes de l'Institut national de l'énergie solaire (INES).
AE : Quel est l'intérêt d'un tel projet collaboratif ?
EL : Nous allons bénéficier de tout le savoir-faire du CEA dans le domaine de l'électronique. Cela nous apporte un gros plus, auquel nous n'avons pas accès dans le privé. Les petites sociétés qui se joignent au programme n'ont pas les moyens de financer des travaux de R&D de cette ampleur.
AE : Quel est l'avenir de la filière du photovoltaïque en France ?
EL : Le véritable objectif est d'en avoir sur tous les toits ! Aujourd'hui, un fabricant comme Photowatt produit des cellules solaires pour une capacité de 60 MW par an, soit l'équivalent de 600.000 m². Il faut en moyenne 30 m² de capteurs pour équiper une maison. Donc aujourd'hui, Photowatt a la capacité d'équiper chaque année 20.000 foyers. La France compte 5 millions de maisons individuelles. Le marché sera donc aussi alimenté par les importations…
1/ Le programme Solar Nano Cristal a pour objectif d'augmenter le rendement des cellules photovoltaïques par l'introduction des micro-nanotechnologies et diviser ainsi leur prix de revient par deux en développant un outil de production innovant. Un laboratoire-pilote, LabFab, sera construit à partir de 2009. Il devrait contribuer à la validation des résultats obtenus dans les laboratoires de l'INES. Il sera exploité par PV Alliance, société créée en septembre 2007 par Photowatt (40 %), le CEA (20 %) et EDF Energies Nouvelles (40 %).