EDF « est au pic du traitement » des problèmes de corrosion sous contrainte (CSC) qui affectent, depuis fin 2021, des portions auxiliaires du circuit primaire de certains réacteurs nucléaires d'EDF, estime Régis Clément. Le directeur adjoint de la division production nucléaire d'EDF juge que, dorénavant, les travaux de vérification et de réparation des réacteurs français devraient pouvoir être industrialisés et fiabilisés. Il explique aussi que la disponibilité des réacteurs d'EDF devrait progressivement retrouver un niveau plus satisfaisant d'ici à janvier.
Quinze réacteurs bientôt de retour
Au 8 novembre, 31 réacteurs, sur un total de 56, sont disponibles à la production, dont 30 effectivement connectés au réseau électrique. Onze réacteurs devraient être remis en fonctionnement ce mois-ci, dont cinq arrêtés du fait des problèmes de CSC. Quatre supplémentaires devraient être reconnectés en décembre. À cette date, 42 unités seraient donc disponibles, puis 46 en janvier.
Pour compenser cette réduction de capacité, EDF a activé « des leviers exceptionnels de sécurisation » dont l'objectif est d'assurer une meilleure disponibilité des tranches en service. L'entreprise a d'abord reprogrammé ou décalé 15 arrêts de réacteurs pour maintenance. Elle a ensuite réalisé des économies de combustible lorsque la demande électrique était modérée, afin d'assurer de meilleures capacités de production lors des pointes de consommation hivernales. Cette stratégie de gestion du combustible a été mise en œuvre à Dampierre 1 (Loiret), Tricastin 1 (Drôme), Chinon B1 (Indre-et-Loire) et Saint-Laurent-des-Eaux B2 (Loir-et-Cher). Enfin, le programme de maintenance a été lissé pour réduire la durée des arrêts de tranche. Concrètement, EDF a reporté à 2023 les opérations qui pouvaient l'être.
À cela s'ajoute un « focus production » dont l'objectif est de fiabiliser le fonctionnement des réacteurs pour prévenir les arrêts fortuits. Cette attention particulière a permis de réduire à 1 % le coefficient d'indisponibilité fortuite des réacteurs en fonctionnement. Ce coefficient est habituellement de l'ordre de 3 %. Les deux points gagnés apporteront un gain d'un gigawatt de capacité de production disponible en décembre, explique Régis Clément.
Six réacteurs réparés
S'agissant des réacteurs concernés par le problème de CSC, EDF a déjà achevé la réparation de six d'entre eux. Trois étaient bien affectés par le phénomène : Chinon B3, Civaux 1 (Vienne) et Flamanville 2 (Manche). En revanche, Cattenom 4 (Moselle), Bugey 4 (Ain) et Tricastin 3 ont été réparés après des contrôles destructifs qui ont montré l'absence de CSC.
Cinq autres réacteurs, sur lesquels des indications de CSC ont été détectées, sont en cours de réparation. Il s'agit de Cattenom 3, Civaux 2, Chooz B1 et B2 (Ardennes) et Penly 1 (Seine-Maritime). Des réparations ont aussi été décidées sur les réacteurs Cattenom 1 et Penly 2, mais elles n'ont pas encore été lancées.
En 2023, EDF entend poursuivre le contrôle de ses réacteurs. Ces vérifications viseront notamment les six du palier P'4 de 1 300 mégawatts (MW) non contrôlés en 2022 : Belleville 1 et 2 (Cher), Cattenom 2, Golfech 2 (Tarn-et-Garonne) et Nogent-sur-Seine 1 et 2 (Aube). Ces réacteurs sont considérés comme étant « les plus sensibles au phénomène » de CSC. En effet, quatre des cinq réacteurs P'4 déjà contrôlés sont affectés par le problème et ont été, sont ou seront réparés. Le dernier réacteur de cette série (Golfech 1) est en cours d'examen.
Les réacteurs considérés comme moins sensibles seront contrôlés en 2024 et en 2025, au fil des arrêts programmés durant ces deux ans. Il s'agit des réacteurs du palier P4 (d'une puissance de 1 300 MW) et de ceux du palier de 900 MW. Pour l'instant, un réacteur de 900 MW (Chinon 3), sur les trois contrôlés, est considéré comme affecté par le phénomène de CSC. EDF compte, au total, 32 réacteurs de cette puissance. S'agissant des 8 réacteurs du palier P4, deux ont été contrôlés. Le réacteur Flamanville 2 est considéré comme affecté par la corrosion. Les contrôles sont toujours en cours sur Flamanville 1.
Industrialiser les contrôles et la réparation
L'année prochaine marquera un tournant à double titre. Tout d'abord, EDF devrait disposer d'un procédé de contrôle par ultrasons suffisamment performant pour éviter d'avoir à découper les tuyauteries pour s'assurer de leur bon état. Ce dispositif « très fiable », explique Régis Clément, permet d'identifier des défauts de moins de 3 mm avec une précision de 1 mm. Il est actuellement en phase de validation réglementaire. Une fois disponible, il sera intégré au plan de maintenance d'EDF.
Ensuite, EDF compte standardiser et industrialiser les travaux de remplacement des équipements atteints de CSC. À chaque fois, il s'agit de changer des tronçons complets de tuyauterie. Ces portions sont préfabriquées en usine, puis usinées et montées sur site. La tâche est complexe, car il s'agit de remplacer des circuits pouvant atteindre 50 m de long et composés de tuyaux de plusieurs dizaines de centimètres de diamètre pour une épaisseur de 3 cm. Pour éviter toute contrainte, ils doivent être ajustés au millimètre près. Ce travail, qui mobilise actuellement plus de 500 personnes (dont une centaine de soudeurs et de tuyauteurs nord-américains), est réalisé par cinq entreprises spécialisées. En capitalisant sur l'expérience acquise sur les premiers chantiers, EDF compte optimiser les suivants pour mieux maîtriser les calendriers.