"A mesure que le marché des biocarburants s'est développé, il est devenu manifeste que tous les biocarburants ne se valaient pas en ce qui concerne les émissions de gaz à effet de serre liées à l'affectation des sols", déclare la Commission européenne dans un communiqué publié le 17 octobre. Une position défendue par de nombreux détracteurs des agrocarburants depuis des années, et enfin partagée par la Commission…
De fait, elle confirme l'information qui circulait depuis plusieurs semaines : elle propose de limiter à 5% la part des agrocarburant (1) s produits à partir de denrées alimentaires - agrocarburants de première génération - pouvant être comptabilisés dans l'objectif total de recours aux énergies renouvelables dans le secteur des transports à l'horizon 2020 (10%), prévu dans la directive de 2009 sur les énergies renouvelables. La directive de 2009 sur la qualité des carburants fixait quant à elle un objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 6% d'ici à 2020 dans les carburants. La Commission propose de revoir les critères de comptabilisation d'émissions de GES, en prenant en compte les changements d'affectation des sols directs et indirects.
"D'après de récentes études scientifiques, si l'on prend en compte les modifications indirectes de l'affectation des sols provoquées par la production de biocarburants, par exemple le déplacement de la production agricole destinée à l'alimentation humaine ou animale vers des terres non agricoles, telles que des forêts, la contribution de certains biocarburants aux émissions peut en fait être équivalente à celle des combustibles fossiles qu'ils remplacent", justifie la Commission. Elle souligne également la concurrence que constituent les agrocarburants de première génération avec les cultures vivrières.
Durcir la législation sur les agrocarburants
Vers une suppression des subventions en France
Dans sa proposition, la commission préconise aux Etats membres de mettre fin, d'ici 2020, aux subventions accordées aux agrocarburants de première génération. En France, le gouvernement a annoncé lors de la Conférence environnementale, une baisse progressive des taux de défiscalisation des agrocarburants dès 2014, qui s'achèvera au 31 décembre 2015. Cette proposition est actuellement débattue par le Parlement dans le cadre de l'examen du projet de loi de Finances.
Début 2012, une étude de la Cour des comptes révélait que la politique de soutien aux agrocarburants coûtait cher aux Français, sans que sa pertinence soit avérée.
Une décision qui manque d'ambition ?
Cette proposition est jugée insatisfaisante tant pour les partisans que pour les opposants aux agrocarburants. Alors que s'est ouvert le 15 octobre à Rome le Comité de la sécurité alimentaire mondiale, le rapporteur spécial des Nations unies sur le droit à l'alimentation, Olivier de Schutter, demande à l'Union européenne et aux Etats-Unis d'abandonner les agrocarburants, responsables de la hausse des prix des matières premières agricoles sur le marché mondial, et d'insécurité alimentaire dans de nombreux pays.
Clara Jamart, de l'ONG Oxfam France, indique que "le plafond d'incorporation proposé est plus élevé que le niveau actuel de consommation d'agrocarburants de première génération en Europe. Alors que près de 900 millions de personnes souffrent de la faim dans le monde, il est urgent de mettre fin à la production de ces agrocarburants".
De son côté, le Bureau européen du biodiesel (EEB) estime que la proposition de la Commission va détruire l'industrie des biocarburants, ainsi que les agriculteurs européens qui voyaient dans les agrocarburants une source de diversification de leurs revenus. En outre, l'association remet en question la méthodologie utilisée par l'Institut international de recherche sur les politiques alimentaires (Ifpri) dans le calcul du changement d'affectement des sols.
Pourtant, selon le baromètre EuroObserv'ER, publié en juillet 2012, les agrocarburants de première génération sont en perte de vitesse depuis 2010, après avoir connu une forte hausse en 2007-2008.