Cent mille tonnes de déchets d'équipements électriques et électroniques (DEEE) seraient la conséquence d'une absence de chargeur universel, selon un rapport intitulé "High-tech: Comment les marques limitent la durée de vie de nos biens" (1) des Amis de la Terre (publié en décembre 2012).
A la suite de l'engagement de 17 constructeurs à commercialiser des téléphones mobiles compatibles avec un chargeur universel en 2009, la Commission européenne avait prévu l'arrivée sur le marché de la première génération de téléphones portables à recharge universelle à partir de 2010. Apple, signataire de l'accord volontaire, a pourtant lancé son iPhone 5 avec un nouveau chargeur. La majoration de l'éco-contribution de 100 % pour les téléphones portables ne respectant pas cette mesure ne constitue pas une barrière suffisante, selon les Amis de la Terre : elle passerait en effet de 0,01 € à près de 0,03 €.
Cet exemple semble symptomatique du marché "High-tech". L'évolution permanente des offres de produits participe également au raccourcissement de leur durée de vie.
L'obsolescence logicielle permet le bridage des systèmes d'exploitation qui ne sont alors compatibles qu'avec les dernières générations de produits : un smartphone redevient un simple téléphone avec Internet mais sans application.
Difficile ou onéreux remplacement des pièces défectueuses
Autre limite à la longévité des appareils : le difficile ou onéreux remplacement des pièces défectueuses. "Une batterie fébrile est l'une des premières causes techniques qui entraînent un renouvellement du produit", notent les Amis de la Terre. Aujourd'hui, quasiment toutes les tablettes mises sur le marché ont une batterie qui est soit vissée, collée ou soudée. Ces dernières montrent leurs premiers signes de défaillance "au bout de 300 cycles de charge, soit à partir de 12 à 36 mois d'utilisation selon l'usage", selon les Amis de la Terre.
Les entreprises de réparation des produits type téléphones portables, smartphones, tablettes ou encore ordinateurs portables se heurtent à différents obstacles. Tout d'abord, se fournir en pièces détachées auprès de certaines marques s'avère un parcours du combattant, selon les témoignages de réparateurs aux Amis de la Terre. Le prix de ces dernières peut également constituer un argument en faveur d'un renouvellement du produit. Le coût des produits neufs s'avère parfois plus intéressant que le coût de la réparation. Représentant une durée d'usage minimale, la garantie pourrait être un levier pour lutter contre le renouvellement trop fréquent des produits. Des extensions de garantie proposées par certains distributeurs privilégie le remplacement du produit plutôt que sa réparation.
Le prix des prestations proposées par les services après-vente peut également constituer un frein à la réparation, selon les Amis de la Terre. Une étude de l'Ademe (2) (2007) montre que le consommateur franchit le pas et répare son produit quand le prix de la réparation est inférieur d'un tiers du prix du neuf.
Certains constructeurs modifient les pièces d'une version à l'autre rendant ainsi impossible par exemple la réutilisation de l'écran. La directive DEEE prévoit pourtant que "les producteurs n'empêchent pas le réemploi des DEEE par des caractéristiques de conception particulières ou des procédés de fabrication particuliers, à moins que ces caractéristiques de conception particulières ou ces procédés de fabrication particuliers ne présentent des avantages déterminants, par exemple en ce qui concerne la protection de l'environnement et/ou les exigences en matière de sécurité".
Baisse du nombre d'entreprises de réparation dans l'électronique
Le rapport de l'Ademe " État des lieux et évolution de la réparation en France" montre que de 2007 à 2009, le nombre d'entreprises des secteurs de la réparation de biens d'équipements (électronique, électroménager, cordonnerie, horlogerie et bijouterie) est en baisse de 1 à 10 %. A partir de 2009, l'agence constate une inversion de tendance pour tous les secteurs d'activité sauf l'électronique (baisse de 3 %).
Dans ce document, l'Ademe propose notamment pour inverser la tendance de revaloriser les métiers de la réparation auprès des jeunes et promouvoir les cursus de formation adaptés. Elle préconise également une sensibilisation et un éclairage sur les différents systèmes de garanties existants, le développement des pièces détachées, en suivant l'exemple de l'automobile et une intervention sur les coûts de la réparation (pièces détachées et de réemploi, baisse de la TVA, etc.).
L'affichage environnemental intègre peu la durée de vie
"Les analyses de cycle de vie (ACV) montrent cependant que la phase d'utilisation de l'appareil n'est pas la plus impactante et que pour réduire l'empreinte d'un téléphone, il faut allonger au maximum sa durée de vie", soulignent les Amis de la Terre.
L'affichage environnemental se sert peu de la notion de durée de vie comme avantage écologique. Quelques labels seulement, dont l'éco-label européen, intègre cette notion. Pour les ordinateurs particuliers, la durée d'utilisation généralement constatée est de trois à quatre ans pour un ordinateur portable, de 18 mois pour un téléphone, selon le cabinet WiPro Product Strategy and Services.
Le renouvellement des produits pour les téléphones portables reste encouragé par le système de subventionnement de l'appareil : l'achat est intégré dans le prix du forfait.
Cette question est au coeur d'une bataille judiciaire entre SFR et Free. Ce dernier accuse son concurrent de vendre à ses clients abonnés un crédit masqué. "Si elle aboutissait, cette plainte pourrait remettre en cause le système de subventionnement", assurent les Amis de la Terre.