« Allez-y, foncez, faites-le, ne réfléchissez pas ! » C'est en résumé le message de l'imprimeur Hélioprint, installé à Mary-sur-Marne (Seine-et-Marne), à ses confrères industriels, maintenant qu'il a goûté à l'efficacité énergétique. Après des programmes de travaux engagés il y a plusieurs années et des économies d'énergie déjà à la clef, l'industriel se montre satisfait de son sort à l'aune de la crise énergétique actuelle. Et ne peut que conseiller à ses pairs de passer le cap.
Mais c'est sans aucun doute la hausse des prix de l'énergie qui constitue l'argument le plus efficace. « Depuis le début de la guerre en Ukraine et la forte interrogation sur la disponibilité du gaz, beaucoup d'industriels cherchent à ajouter un autre combustible à leur chaudière, mais du fioul domestique en secours pour la plupart. L'électrification des usages prend également une forte place, notamment dans l'Europe du Nord », observe Patrick Lucien, responsable régional de la société Babcock Wanson (Babcock Wanson Group), fabricant de chaudières et de solutions de traitement de l'eau et de l'air.
De l'efficacité énergétique à la décarbonation
Pour preuve, selon une étude de marché réalisée début 2023 auprès de 110 décideurs par Certinergy & Solutions, une autre entreprise qui conseille et accompagne l'industrie, 85 % des entreprises envisagent de mettre en œuvre des actions de décarbonation. Sous ce terme, les industriels entendent en premier lieu « sobriété et performance opérationnelle » (62 %) ainsi qu' « amélioration du rendement énergétique des équipements » (55 %). « Cette étude montre donc que l'efficacité énergétique est un pas essentiel vers la réduction de l'empreinte carbone des industriels », retient Certinergy & Solutions.
Selon 42 % des décideurs, le retour sur investissement (TRI) est attendu en moins de dix ans, voire en moins de cinq ans. La décarbonation semble ainsi entrer dans l'équation du maintien de la compétitivité des industriels avec des TRI compatibles avec leur logiciel de pensée. La hausse des prix des énergies n'y est pas étrangère. « Aujourd'hui, grâce aux prix élevés, on élargit le champs des possibles des travaux. Les prix permettent de faire plus de choses, des refontes d'équipements par exemple. Comme remplacer une tour aéroréfrigérante par une tour adiabatique avec système d'eau fermé, même si elle est deux à trois fois plus coûteuse, explique Pierre Faure, ingénieur commercial chez Certinergy & Solutions. Et même si les travaux ne sont pas rentables dès trois ans, les industriels sont aujourd'hui prêts à prendre plus de risques », observe de son côté Yann Biguet, d'Hellio.
L'appel d'air de l'industrie verte
Être accompagné
Dans le cadre du dispositif des CEE, les énergéticiens peuvent financer des programmes d'information, de formation et d'innovation sous l'égide du ministère chargé de l'Énergie. Sur les 43 programmes en cours, deux seulement concernent spécifiquement l'industrie. Le plus ancien baptisé Pro-Refei est porté par l'Association Technique Énergie Environnement (ATEE). Ce programme vise à former les salariés chargés de la gestion de l'énergie, afin qu'émergent des projets d'optimisation énergétique. Il sera progressivement remplacé par un programme plus large, lancé en juin 2023. Porté par l'Ademe et l'ATEE, le programme Pacte industrie vise à faciliter le déploiement de l'efficacité énergétique et de la décarbonation de l'industrie, dans la continuité d'autres programmes.
Convaincue du rôle moteur de la filière de l'efficacité énergétique dans la réindustrialisation et la décarbonation de ce secteur, Hellio appelle dans ce contexte à renforcer les dispositifs d'aides (2) . « Des dispositifs efficaces comme les certificats d'économies d'énergie (CEE) existent et méritent d'être plus utilisés et mis en valeur, notamment auprès des petits acteurs industriels qui s'en sont moins emparés, souligne Augustin Bouet, le directeur du département grand comptes. Des solutions déjà expérimentées, comme le contrat de performance énergétique (CPE), devraient être remises au goût du jour », ajoute le spécialiste, qui prône un déploiement massif du CPE en le rendant obligatoire dans l'industrie à partir d'un certain volume d'affaires et sur une durée de dix à quinze ans. Sans oublier les autres voies possibles, comme le solaire photovoltaïque qui dispose d'un fort potentiel dans le secteur de l'industrie.
Des grands groupes aux PME
Reste un enjeu de taille à de pas éluder : les compétences. « La dynamique est assez forte, mais le goulot d'étranglement, ce seront les compétences et les ressources », craint Jean-Jérôme Sémat, président d'Alfa Laval France et NWA, fabricant d'équipements industriels. « La filière industrielle doit être soutenue dans sa dynamique de développement des compétences et de l'emploi », confirme Hellio, qui préconise la mise en place de nouveaux programmes d'accompagnement financés par les CEE, notamment pour les PME, les grands groupes ayant davantage de facilités.
D'ailleurs, afin d'accélérer la transition de leurs sous-traitants vers la neutralité carbone, sept multinationales (3) viennent de se fédérer au sein de l'Alliance Pacte PME. Elles leur proposeront des parcours adaptés à leur degré de maturité. François Perret, directeur général de l'association, en est, en effet, largement convaincu : la décarbonation du pays ne passera pas exclusivement par ses grands groupes et