Ce mercredi 22 janvier, José-Manuel Barroso, Président de la Commission européenne, entouré de Connie Hedegaard, Commissaire européenne en charge de l'action pour le climat et de Günther Oettinger, Commissaire européen en charge de l'énergie, ont annoncé de nouveaux objectifs climatiques à l'horizon 2030 : une réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) de 40 % par rapport au niveau de 1990 - un objectif contraignant pour l'ensemble de l'Union, mais sans ventilation par pays de la part des énergies renouvelables qui est portée à "au moins 27 %" -, de "nouvelles ambitions" pour les politiques en matière d'efficacité énergétique, et un "nouveau système de gouvernance et une série de nouveaux indicateurs pour garantir un système énergétique compétitif et sûr".
Un objectif climatique contraignant
Le 6 janvier, les ministres de l'environnement français, britannique et italien, et les ministres allemands de l'économie et de l'environnement adressaient une lettre à la Commission afin d'en appeler à l'objectif ambitieux d'une réduction des gaz à effet de serre (GES), d'au moins 40% d'ici à 2030 (par rapport à l'année de référence 1990). Cette demande était soutenue par la suite par les ministres de l'environnement des Pays-Bas et de l'Espagne. Cette décrue de 40% des GES apparaît comme un seuil minimum pour qu'une réduction de 80 à 95% d'ici à 2050 soit possible, compte tenu de l'objectif internationalement approuvé d'un réchauffement atmosphérique de moins de 2 °C. En 2011, les émissions de GES prises en considération dans le "paquet" climat et énergie étaient inférieures de 16% à leurs niveaux de 1990.
L'adoption d'un objectif ambitieux de 40% dotera l'UE de la légitimité nécessaire pour jouer un rôle moteur dans les négociations climatiques qui devront boucler un nouvel accord international à Paris en 2015, dont l'entrée en vigueur est prévue pour 2020. Mais elle ne doit pas occulter le fait que le marché européen de crédits carbone est saturé, et que l'annonce de la Commission ne règle pas le surplus de quotas, dont la sur-allocation fausse les réductions effectives de gaz à effet de serre.
Flottement sur les renouvelables
Ce nouveau "paquet" énergie-climat va remplacer le précédent, conclu en 2009, dit des "trois fois vingt". Celui-ci prévoyait que l'Union européenne réduise ses émissions de gaz à effet de serre de 20% d'ici à 2020 par rapport à 1990, et réalise 20% d'économies d'énergie grâce à des gains d'efficacité dans le bâtiment, les transports et les équipements électroménagers. A la différence du précédent, le train de mesures aujourd'hui lancé par la Commission s'avère moins contraignant : sur les énergies renouvelables, les Etats ne seront pas individuellement comptables des progrès réalisés, pas plus que pour l'efficacité énergétique, et l'objectif d'atteindre 27% d'énergies renouvelables dans le mix de 2030 entérine la trajectoire tendancielle. En 2010, la part des énergies renouvelables dans l'UE était de 12,7%, contre 8,5% en 2005.
L'orientation du nouveau "paquet" énergie-climat vers des engagements contraignants en matière d'énergies renouvelables et d'efficacité énergétique a pourtant été votée par une majorité d'eurodéputés lors d'une réunion conjointe des commissions Environnement et Industrie le 9 janvier dernier au Parlement européen.
Aujourd'hui, Matthias Groote, président de la commission de l'Environnement du Parlement européen (groupe socialiste), exprime sa déception : "Hormis l'annonce de réduire de 40% des GES, ces objectifs sont largement en-dessous de ce qu'il serait nécessaire de faire, ne serait-ce qu'aux yeux de nos partenaires internationaux. Je regrette que la Commission se soit laissée hypnotiser par ceux qui martèlent que des objectifs climatiques et énergétiques ont un coût, et qu'elle n'ait pas proposé un objectif contraignant pour l'efficacité énergétique".
La France, quant à elle, "est montée au créneau contre l'objectif contraignant sur les énergies renouvelables, c'est un revirement que l'on sentait venir ces derniers jours, dans un contexte national où la transition énergétique patine. Et pourtant, si la France s'oriente vers une réduction de 50% du nucléaire à l'horizon 2050, il faudra qu'elle réalise 40% de son mix énergétique à base de renouvelables", commente Cyrille Cormier, chargé de campagne énergie auprès de Greenpeace France.
Lobbying des grands énergéticiens
"Les deux grands industriels français de l'énergie, EDF et GDF, sont actifs auprès de l'Elysée et de la Commission européenne. GDF a pris la tête du groupe Magritte qui tend à se positionner contre les énergies renouvelables", du nom du musée Magritte à Bruxelles, où ce lobby a tenu sa première réunion au printemps dernier. "Ainsi l'on voit monter une fronde pro nucléaire et pro centrales à gaz, alors que d'autres grands groupes européens - Alstom, Ikea, Philips, Unilever - ont pris parti en faveur d'un triple objectif contraignant", poursuit Cyrille Cormier.
Selon les écologistes du Parlement européen, le commissaire Oettinger a été convaincu par l'industrie allemande que les énergies renouvelables n'étaient pas la priorité car des grands groupes tels que RWE et EON en Allemagne, et EDF en France, ne verraient pas d'un bon œil la généralisation de systèmes énergétiques décentralisés. Une guerre de position se joue entre grands électriciens et petites PME de l'énergie locale. Selon la Commission elle-même, les investissements nécessaires à la réalisation des objectifs climatiques de l'UE (- 20% en 2020, - 40% en 2030) conduiraient à la création d'au minimum 750.000 emplois par an dans le secteur de l'énergie. Et dans le cas d'un scénario où les énergies renouvelables représenteraient 30% du mix énergétique en 2030, ce serait un million d'emplois par an. Prochaine étape le 20 mars, où le "paquet" énergie-climat sera discuté par les chefs d'Etats de l'UE.