WPD France n'a pas totalement renoncé au parc éolien des deux îles au large de la Vendée auquel il réfléchit depuis 2007. Après que la justice administrative ait rejeté en juin son référé précontractuel, le producteur d'énergies renouvelables a annoncé, ce mardi 9 septembre, avoir déposé début août un recours gracieux auprès de la ministre de l'Ecologie, Ségolène Royal, qui dispose de deux mois pour trancher. "Nous n'avons pas encore refermé ce dossier", a expliqué Vincent Balès, directeur général de WPD France. Pour l'instant, la direction de WPD se montre très réservée quant à un éventuel recours juridique si le recours gracieux n'aboutissait pas. "Nous n'avons pas pris de décision", explique le directeur général.
Pour rappel, en mai dernier, Ségolène Royal, ministre de l'Ecologie, a attribué au consortium mené par GDF les deux sites proposés dans le second appel d'offres éolien offshore, dont le site des deux îles, situé entre les îles d'Yeu et de Noirmoutier. Le consortium mené par EDF Energie nouvelles, auquel participait WPD, n'a obtenu aucun lot.
Offre irrecevable
Concrètement, WPD n'attaque pas la décision de la ministre, mais l'avis de la Commission de régulation de l'énergie (CRE) sur lequel s'est appuyé l'Etat pour "éviter tout contentieux". WPD considère que le dossier déposé par GDF Suez aurait dû être jugé irrecevable par la CRE lors de son instruction. WPD souhaite donc que la ministre demande à cette dernière de réviser son jugement en réexaminant les offres, voire que Ségolène Royal déclare infructueux l'appel d'offres pour ce site. En effet, l'irrecevabilité de l'offre est "un point fondamental et décisif", estime Vincent Balès qui s'appuie sur deux éléments pour étayer sa demande.
En premier lieu, le dossier de GDF ne respecterait pas les conditions de câblage imposées par le cahier des charges de l'appel d'offres. Celui-ci stipule que les offres ne permettant pas de "minimiser les traversées de câbles entre les lignes d'éoliennes" sont éliminées d'office. Or, le câblage proposé par GDF viserait une optimisation des coûts en reliant les éoliennes sans tenir compte de leur alignement, explique WPD. Au final, GDF ne devrait installer que 82,5 km de câbles, contre 112 km pour le câblage respectant l'alignement des éoliennes proposé par le projet auquel participait WPD.
Second reproche : le projet de GDF ne serait pas réalisable en temps et en heure. En cause ? Le choix de fondations d'éoliennes ancrées alors que le sol en granit ne le permettrait pas. Il s'agit d'un choix "irréaliste d'un point de vue technico-économique", explique WPD. Pour appuyer son propos, l'entreprise se base sur les forages géotechniques qu'elle a fait réaliser sur le site. Alors que ce type de fondation exige d'implanter des pieux à une profondeur allant de 15 à 20 mètres dans le sol, les tentatives de carottage réalisées à la demande de WPD n'ont pu atteindre qu'une profondeur de 2 à 12 mètres. Cet échec à forer en profondeur a poussé WPD à revoir de fond en comble son projet : réduction du nombre d'éoliennes à 83, révision à la hausse de leur puissance nominale et recours à des fondations posées alors que les études portaient sur des fondations ancrées. Toujours selon WPD, la pose des fondations envisagées par GDF prendrait quatre à cinq ans, contre une année et demie planifiée dans le dossier remis à la CRE.
Un entretien avec la ministre ?
Pour WPD, ces deux points sont d'autant moins anodins que la ministre avait expliqué que l'arbitrage entre les deux dossiers avait été "très serré". Or, les deux choix techniques critiqués par WPD permettraient de réaliser de substantielles économies qui ont pu faire basculer le choix en faveur de GDF. C'est le cas pour le câblage, mais aussi, et surtout, pour les fondations qui constituent un choix structurant pour le projet qui impacte environ 30% du coût total. Ainsi, le consortium gagnant économiserait environ 40 millions d'euros grâce au choix de câblage et "autour de 100 millions" avec le choix des fondations.
Autant d'arguments que WPD aimerait présenter de vive voix à Ségolène Royal. "Nous souhaiterions avoir un entretien avec la ministre pour comprendre ce choix", explique le directeur général de l'entreprise, précisant que cette demande formulée à l'occasion du dépôt du recours gracieux est pour l'instant restée lettre morte.
Enfin, l'entreprise aimerait aussi voir évoluer les appels d'offres éolien offshore. Elle propose tout d'abord de planifier le développement de l'éolien offshore à l'horizon 2030 et suggère une enveloppe d'une quinzaine de gigawatts (GW). Cette approche permettrait une planification de l'espace maritime, anticiperait la problématique de raccordement et offrirait une visibilité sur les volumes et le séquencement des appels d'offres. WPD propose aussi d'adapter la procédure d'appel d'offres aux pratiques européennes. Cela passerait par une contractualisation entre l'Etat et les lauréats, par un dialogue compétitif, intégrant la définition des jalons techniques et industriels et une simplification de la notation à partir de critères objectifs associée à une publication des résultats. Enfin, le troisième point concerne l'accélération de la mise en œuvre des projets via notamment un permis unique pour les autorisations administratives et la limitation des recours au seul Conseil d'Etat, plutôt que les trois étapes (première instance, appel et cassation) habituelles.