Les collectivités territoriales peuvent-elles contester en justice l'autorisation d'un parc éolien ? Oui pour les communes, non pour les Départements et les Régions, répond en substance le Conseil d'État à travers deux décisions rendues le 1er décembre 2023.
« Au sens des articles R. 181-50 (1) et L. 511-1 du code de l'environnement (2) , une personne morale de droit public ne peut se voir reconnaître la qualité de tiers recevable à contester devant le juge administratif une autorisation environnementale que dans les cas où les inconvénients ou les dangers pour les intérêts visés à l'article L. 181-3 (3) sont de nature à affecter par eux-mêmes sa situation, les intérêts dont elle a la charge et les compétences que la loi lui attribue », pose la Haute Juridiction administrative.
Irrecevabilité du recours du conseil départemental
Compte tenu de ces éléments, « est irrecevable le recours du conseil départemental sur le territoire duquel est prévue l'installation et l'exploitation d'un parc éolien, faute de justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir », explique le Conseil d'État dans une analyse de sa première décision.
En l'espèce, ce dernier a rejeté le pourvoi du département de la Charente-Maritime contre la décision de la cour administrative d'appel de Bordeaux qui avait rejeté sa requête dirigée contre une autorisation unique pour l'installation et l'exploitation d'un parc éolien. Les juges d'appel avaient relevé que le Département ne justifiait « d'aucune compétence propre en matière de protection de l'environnement, des paysages ou du patrimoine, d'aménagement du territoire ou de lutte contre l'effet de serre par la maîtrise et l'utilisation rationnelle de l'énergie susceptible de lui conférer un intérêt direct à l'annulation de l'arrêté du préfet ».
Pas d'intérêt à agir de la Région
Par une deuxième décision, le Conseil d'État arrive à une conclusion semblable concernant les Régions. Compte tenu des inconvénients ou dangers pour les intérêts mentionnés à l'article L. 181-3 du code de l'environnement susceptibles d'affecter sa situation, les intérêts dont elle a la charge et les compétences que la loi lui attribue, « une Région sur le territoire de laquelle est prévue l'implantation d'un parc éolien ne justifie pas d'un intérêt lui donnant qualité pour demander l'annulation de l'autorisation environnementale pour l'exploitation d'un parc éolien », juge la Haute Juridiction. Et ce, bien que qu'elle ait la compétence pour promouvoir l'aménagement des territoires, assurer la préservation de son identité et qu'elle élabore un schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (Sraddet) qui fixe notamment des objectifs de développement des énergies renouvelables.
En l'espèce, le Conseil d'État a validé, sur ce point, la décision de la cour administrative d'appel de Lyon qui avait rejeté la requête de la Région Auvergne-Rhône-Alpes comme irrecevable faute de justifier d'un intérêt à agir pour contester l'autorisation environnementale d'un parc éolien dans l'Allier.
Intérêts de la commune directement affectés
En revanche, il annule la décision d'appel en ce qu'elle a rejeté la requête de deux communes contre l'autorisation du même parc. Un certain nombre de circonstances suffisent en effet à établir que la situation d'une commune ou les intérêts dont elle a la charge seraient spécialement affectés par un projet de parc éolien sur le territoire d'une commune voisine : le fait que ce projet affecterait directement la qualité de son environnement et aurait un impact sur son activité touristique, « en raison notamment de nuisances paysagères et patrimoniales résultant de la proximité ou covisibilité du site d'implantation du projet avec plusieurs monuments historiques et sites inscrits » ; de même que la présence de zones naturelles à préserver, dont un site Natura 2000, « susceptibles d'être affectées par le fonctionnement du parc éolien et situées à proximité immédiate de ce dernier ».
En conclusion, le recours d'une commune contre un parc éolien aura beaucoup plus de probabilités que celui d'un Département ou d'une Région d'être jugé recevable. À la lecture de l'analyse du Conseil d'État, « on pourrait croire qu'un Département ou qu'une Région serait toujours irrecevable », relève l'avocat Éric Landot. « Ces formulations sont sans doute trop radicales, et ne manqueront pas, pouvons-nous supposer, d'être nuancées dans les temps à venir. En effet, un projet de parc éolien très proche, par exemple, d'un collège ou d'un lycée, pourra sans doute permettre au Département ou à la Région d'avoir un intérêt à agir contre le projet éolien concerné en tant que tiers intéressés », tempère ce spécialiste du droit public.