Quel avenir pour l'agriculture bio en Europe ? Entre avancées et rétropédalages, la question demeure en suspens après l'adoption par les députés, le 3 mai dernier, du plan d'action (1) pour la production biologique dans l'Union européenne, proposé par la Commission, en mars 2021. Divisé en trois grands axes (stimulation de la demande, encouragement à la conversion et amélioration de la contribution de l'agriculture biologique à la durabilité environnementale), le texte s'inscrit dans la droite ligne du pacte vert européen, de la stratégie « De la ferme à la fourchette» (Farm to Fork) de l'UE et de sa stratégie en faveur de la biodiversité. Proposant des actions concrètes, comme la prévention de la fraude ou le partage des meilleures pratiques, il incite par ailleurs les États membres à élaborer leurs propres plans d'action afin d'accroître la part de l'agriculture biologique dans le total national. Un outil de plus, en quelque sorte, pour évaluer les plans stratégiques nationaux de la PAC, censés récompenser les agriculteurs biologiques pour les services environnementaux fournis à la société : qualité de l'air, de l'eau, stockage de carbone, paysages, etc.
Un texte intéressant
Négociateur pour le groupe des Verts-ALE et auteur de plusieurs amendements, l'eurodéputé écologiste Claude Gruffat approuve globalement un texte jugé « intéressant ». « Le Parlement européen semble enfin avoir pris conscience du caractère vital de la stratégie de la ferme à la fourchette, vis-à-vis de la durabilité de notre système alimentaire et de notre sécurité alimentaire », souligne-t-il. Le député européen salue l'appui accordé au développement de l'agriculture biologique et à la recherche dans ce domaine, l'implication des parties prenantes, le renforcement des contrôles, la volonté de mieux informer les consommateurs et la critique faite aux « labels verts », qu'il juge lui aussi déloyaux. Député socialiste belge chargé de l'Agriculture, Marc Tarabella se félicite aussi de mesures comme la mise en place d'un système européen harmonisé pour la certification des intrants destinés à l'agriculture biologique.
Mais aux ambitions limitées
Un objectif majeur passé sous silence
Mais c'est la suppression du texte initial de l'objectif de 25 % de surfaces cultivées en bio en 2030, pourtant contenu dans la stratégie Farm to Fork, qui cristallise surtout la colère des soutiens du bio. « Certes, le rapport souligne l'importance d'accroître le nombre de terres consacrées au bio, mais sans reprendre un objectif précis, quantifié. C'est potentiellement la porte ouverte pour les États membres pour qu'ils se contentent de faire un peu mieux, sans plus », regrette Marc Tarabella. « Atteindre 25 % des surfaces en agriculture biologique et réduire de moitié l'usage des pesticides d'ici à 2030 ne constitue en aucun cas un saut dans le vide », souligne pour sa part Éric Andrieu, rapporteur pour l'Alliance progressiste des socialistes et démocrates. Selon son groupe, les solutions alternatives aux pesticides de synthèse se développent suffisamment, à l'instar du biocontrôle, et les centres de recherche les plus en pointe sur l'agroécologie se positionnent clairement pour une suppression des pesticides de synthèse d'ici à 2050. « Nous devons fixer un cap clair pour amplifier la transition environnementale de notre agriculture », insiste Éric Andrieu. Les objectifs du Green Deal et de la Stratégie de la ferme à la fourchette doivent devenir contraignants, même si les États membres y rechignent. » Le sujet sera particulièrement suivi en France, où certaines filières, celle du lait, des œufs et des fruits et légumes notamment, se trouvent en difficulté depuis plusieurs mois.