En effet, à l'issue des travaux du Grenelle de l'environnement, et dans le cadre du projet de loi Grenelle II, la France songe à permettre aux collectivités territoriales d'instituer le péage urbain comme l'un des moyens de favoriser un développement durable des transports.
Les objectifs et les modalités de l'installation d'un péage sont variés : il s'agirait pour chaque collectivité qui se porterait volontaire de définir ses propres enjeux. Ainsi, le péage pourrait être aussi bien destiné à financer une infrastructure nouvelle qu'à réguler, voire à réduire, la circulation automobile sur une infrastructure existante saturée ou dans une zone dense. Le but étant d'améliorer le cadre de vie urbain par une diminution des encombrements, du bruit et de la pollution.
Dès lors, la mise en place d'un péage urbain pourra être considérée comme légitime si l'évaluation socioéconomique (environnementale et financière) du projet permet de montrer qu'elle apporte un bénéfice global pour la collectivité, indique le rapport.
Une expérience plutôt positive à l'étranger
À l'étranger, de nombreuses villes ont déjà recours à ce dispositif pour favoriser l'organisation des déplacements dans leur centre-ville, réduire la pollution ou encore améliorer l'accessibilité et le cadre de vie urbain. Le Centre d'analyse stratégique (CAS) affirme même que dans l'ensemble, ces péages ont été efficaces et plutôt bien acceptés.
À Singapour, par exemple, la mise en place du péage consistait à réguler l'entrée des véhicules automobiles dans le centre-ville et à garantir la fluidité de la circulation afin de maintenir un meilleur fonctionnement de la ville et du centre des affaires en particulier. Ainsi depuis sa mise en place en 1975, le nombre de voitures pénétrant dans la zone pendant les heures de péage aurait été réduit de 76 % .
En plus d'améliorer le service des bus (à l'aide des recettes du péage), le péage de Londres a quant à lui permis de diminuer les émissions. À l'heure du bilan, la capitale anglaise constate en effet une baisse de 16 % par rapport à la moyenne annuelle 2002 des émissions générées par le trafic routier.
Tout comme Londres, le péage de Milan a été mis en place afin de lutter contre la pollution. Pour accéder au centre-ville, les véhicules les plus polluants (immatriculés avant l'application de la norme Euro 3 et les poids lourds) doivent s'acquitter d'une taxe baptisée « Ecopass » définie en fonction du caractère polluant du véhicule. À l'inverse, les véhicules les moins polluants (normes Euro 3 et Euro 4, véhicules électriques...) peuvent toujours entrer gratuitement dans le cœur de la ville.
Enfin, les péages des villes de Norvège (Bergen, Oslo, Trondheim, Kristiansand et Stavanger) servent principalement à financer le développement des capacités de transport du pays. Depuis, les nouvelles recettes financières issues des péages ont permis de construire des tunnels et de reconquérir les centres-villes au profit des modes de transport doux : piétons, vélos et transports en commun. Ces expériences montrent également que le péage urbain s'applique aussi à des villes de taille moyenne, de moins de 100 000 habitants.
Un cadre législatif et économique à définir
En se basant sur ces exemples, le rapport du Conseil d'analyse stratégique a défini les principes qui pourraient figurer dans une loi permettant à une collectivité française de recourir à ce mode de régulation. En premier lieu, la mise en place des péages urbains relèverait principalement des collectivités territoriales. À cet effet, le rapport du groupe de travail n° 1 du Grenelle de l'environnement a souligné la nécessité de ne pas réduire cette possibilité aux seules grandes agglomérations.
La législation offrirait alors aux collectivités un cadre juridique global dans lequel elles pourraient instituer en toute liberté un dispositif adapté à leur territoire. En ce sens, il s'agirait bien plus d'une loi d'encadrement qui permettrait à une collectivité de mettre en œuvre un péage de manière durable dans le temps que d'une loi d'expérimentation qui prévoirait des dispositions pour une durée limitée.
Cependant, la loi française devra, conformément à l'article 34 de la Constitution, « fixer les règles concernant l'assiette, les taux et les modalités de recouvrement du péage ».
Aussi, pour satisfaire cette exigence, elle pourrait fixer les valeurs maximales du taux du péage urbain. La valeur de ce taux pourrait être appréciée par référence aux coûts de congestion et d'environnement les plus élevés, que l'on peut estimer à partir des observations environnementales (bruit, pollution, vitesse du trafic) et des valeurs tutélaires (du temps, de la pollution, du bruit et des émissions de gaz à effet de serre). Ces valeurs maximales pourraient en outre être différenciées entre l'Île-de-France et les autres aires urbaines, en fonction de données géographiques objectives (taille de l'agglomération ou de la zone concernée…).
D'autre part, il appartiendra aux autorités locales compétentes de justifier le niveau du péage retenu dans le cadre des objectifs de mobilité durable qu'elles préconisent. Or, les autorités locales compétentes devront prendre en considération la situation des différentes catégories d'usagers concernés, notamment ceux qui ne disposent pas de mode de transport alternatif. Aussi, il semblerait nécessaire de plafonner le tarif du péage urbain et de permettre à la collectivité de mettre en place d'autres mesures redistributives n'affectant pas le choix de transport des intéressés. A titre d'exemple, le montant maximum du versement journalier d'un usager pour le péage urbain (hors Ile-de-France) ne pourrait excéder 3 euros pour les véhicules légers (tarif comparable à un forfait journalier d'utilisation des transports en commun dans une grande agglomération) et 10 euros pour les poids lourds, à charge pour les collectivités de moduler ensuite les différents tarifs à l'intérieur de ces valeurs.
Le rapport indique cependant que ces principes et modalités devront être précisés et ce, en vue de l'élaboration d'un projet de loi qui pourrait être déposé devant le Parlement.