Mais force est de constater que si la valeur de transmission thermique U des triples vitrages est améliorée, le facteur solaire g (voisin de 0,50 contre 0,65) est modifié, et le coefficient de transmission lumineuse Tl (voisin de 0,7 au lieu de 0,8) est détérioré par rapport aux caractéristiques des doubles vitrages, ont révélé les résultats de simulations présentés par le SNFA !
En outre, le triple vitrage possède d'autres inconvénients, notamment sa masse, a poursuivi l'ingénieur du CSTB. Et la masse impose des contraintes mécaniques importantes sur les cadres de fenêtres ! Pour une épaisseur 4/12/4/12/4 de 36mm (ou plus s'il s'agit de vitrages de sécurité ou acoustiques), le poids s'élève en effet à 30 kg/m2. Alors que celui d'un double vitrage est limité à 20 kg/m2 pour une épaisseur 4/16/4 de 24mm (ou plus si vitrages spécifiques). C'est pourquoi certains fabricants européens, notamment belges, suisses et allemands, ont résolu ce problème en remplaçant le verre intermédiaire du triple vitrage par un film plastique, plus léger et n'altérant pas les performances initiales de la fenêtre. Mais en l'état actuel, ces productions restent marginales.
Dans sa performance comparée des doubles et triples vitrages, le SNFA va plus loin en s'intéressant aux caractéristiques des fenêtres équipées de ces vitrages et à leurs contributions à la consommation des bâtiments. À cet effet, des simulations ont été réalisées pour observer la consommation totale d'énergie (selon la réglementation thermique RT 2005) d'une maison individuelle équipée à la fois, de fenêtres aluminium à rupture de pont thermique à ouvrant caché avec double vitrage VIR et de fenêtres PVC avec triple vitrage. Chaque fenêtre est dotée d'un volet isolant. À noter que les simulations ont été effectuées pour une surface de fenêtres égale à 17 % de la surface habitable (115 m2) en référence à la RT 2005 et pour 2 orientations. La première correspondant à l'orientation de référence RT 2005 (40% sud 20% est, ouest, nord) ; et la deuxième plus “bioclimatique” (60% sud 15% est et ouest, 10% nord).
Alors que la valeur U est abaissée de plus de 50 % avec la fenêtre triple vitrage, l'analyse des résultats a montré que les gains de consommation sont de faibles à très faibles, voire même négatifs ! La forte dégradation du facteur solaire g du vitrage et l'augmentation des profilés des fenêtres triple vitrage pénalisent les apports solaires d'hiver qui constituent la partie positive de la contribution de la fenêtre, conclut l'étude de Pouget Consultants.
Pour une analyse objective de ces deux types de produits en terme de développement durable, il faut également s'intéresser aux différences de coûts et aux matières consommées
Si l'on considère les conditions météorologiques des 8 zones climatiques utilisées pour les calculs de consommation par la RT 2005 - qui ne sont pas comparables avec celles des Etats du nord de l'Europe - on s'aperçoit que les gains en consommation d'énergie (3% en zone H1b, soit 421,5 KWh/an, et 20 €/an pour la maison étudiée) sont disproportionnés au regard de l'augmentation des coûts et des surconsommations de matières premières, souligne l'étude.
Toujours selon le SNFA, la fabrication d'un triple vitrage requiert + 50 % de float, + 100 % de barrière d'étanchéité et + 100 % de couche basse émissivité. D'où les contraintes d'intégration pour les fenêtres, impliquant l'augmentation de l'épaisseur du dormant et de l'ouvrant d'au moins 20mm. Soit plus de 20 à 25 % de la matière première nécessaire !
Cette augmentation du poids des vitrages est contradictoire avec la diminution des efforts de manoeuvre et les positions de poignées exigées pour améliorer l'accessibilité des bâtiments, a estimé le SNFA. Elle nécessite une vérification des essais de fonctionnement en endurance et pour les forces de manœuvre ! Autre questionnement : compte tenu de ses 2 couches basse émissivité, le vitrage situé au milieu va être soumis à des échauffements très importants. Autrement dit, avec les 2 barrières d'étanchéité, le triple vitrage multiplie les risques par 2 pour un même vitrage. Ne faut-il pas le tremper ? Faut-il mettre en relation les 2 lames d'air par des trous ? Quel sera le comportement des 2 barrières d'étanchéité dans le temps ? Faut-il reconsidérer les règles relatives à la hauteur des feuillures ?
À ses débuts, le double vitrage a connu de nombreux problèmes liés à la barrière d'étanchéité entre les 2 vitrages et à l'embuage des vitrages, a avoué le SNFA. Et les problèmes ont été résolus par des essais d'étanchéité sévères à la vapeur d'eau, la mise en place de la certification CEKAL, et l'écriture de règle de l'art de mise en oeuvre dans les fenêtres, afin de permettre la garantie décennale des ouvrages.
Ces enseignements et réserves vis-à-vis du triple vitrage s'appliquent non seulement au neuf mais aussi à la rénovation où l'on ne peut généralement jouer ni sur la surface ni sur l'orientation pour améliorer le facteur solaire. Alors faut-il parler de mode, lobbying efficace ou réalité, lorsque l'intégration d'un triple vitrage dans une fenêtre est présentée comme la seule amélioration possible de sa performance énergétique ? Nul doute que les ''grands verriers'' ont déjà pris en compte ces contraintes et qu'ils jouent sur les dernières évolutions technologiques des verres et couches pour les pallier…