Le respect du vivant et des cycles naturels, le maintien de la productivité des sols et du bon état des eaux sont autant d'enjeux qui sollicitent le débat sur le modèle agricole français. Un débat qui se tend à nouveau depuis que Nicolas Sarkozy a affirmé, il y a quinze jours, lors de son passage au Salon de l'agriculture : ''toutes ces questions d'environnement, ça commence à bien faire''. Président du MDRGF, François Veillerette craint que le gouvernement ne revienne sur son engagement de réduire de moitié l'usage des pesticides d'ici à 2018, pris dans le cadre de l'article 31 de la loi de programme sur le Grenelle de l'environnement du 5 août 2009. Aux termes de cette loi, ''l'objectif est de réduire de moitié les usages des produits phytopharmaceutiques et des biocides en dix ans en accélérant la diffusion de méthodes alternatives, sous réserve de leur mise au point''.
Réticences des agriculteurs
La réduction des usages des pesticides tient à la promotion de solutions alternatives. Les agriculteurs peuvent-ils vivre décemment de leur activité en réduisant, voire en éliminant l'usage des pesticides ? Dès 2007, à la demande des ministères en charge de l'environnement et de l'agriculture, l'INRA (Institut national de la recherche agronomique) a lancé une étude sur les itinéraires culturaux économes en pesticides. Quatre filières ont été prises en compte : grandes cultures, arboriculture fruitière, viticulture et cultures légumières. Pour chacune d'elles, différentes stratégies de limitation du recours aux produits phytosanitaires ont été analysées, au vu des connaissances disponibles. Il en ressort qu'une réduction importante du dosage des pesticides est possible : ''une baisse de l'ordre du tiers de l'utilisation des pesticides par rapport à 2006 serait atteignable avec des changements significatifs de pratiques, mais sans bouleversement majeur des systèmes de production, et avec des effets sur les niveaux de production et les marges variables selon les secteurs de production et les niveaux de prix. En grandes cultures, qui représentent la majorité des surfaces et de l'utilisation des pesticides, les marges seraient peu ou pas touchées avec les prix 2006, mais une baisse de production de 6% serait observée''.
Malgré ces chiffres plutôt encourageants, les agriculteurs demeurent souvent réticents à changer les pratiques. Ces évolutions impliqueraient une refonte des méthodes culturales difficiles à mettre en œuvre au sein de filières devenues spécialisées. Comme le souligne l'étude de l'INRA, il faut agir sur l'ensemble du système socio-technique, au-delà des incitations adressées aux seuls agriculteurs. Et élaborer des référentiels techniques alternatifs qui mettent les producteurs en confiance. Pour l'heure, Pascal Ferrey, vice-président de la FNSEA (Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles), exprime la défiance du monde agricole : ''le chiffre annoncé à l'issue du Grenelle était purement politique et nous ne l'avons jamais cautionné'', déclare-t-il dans Le Parisien du 19 mars, ''c'est bien beau d'annoncer une réduction de la moitié des pesticides, mais il faut ensuite assumer cet objectif''.
L'offensive pour revenir sur les objectifs du Grenelle I pourrait reprendre dans le cadre de l'examen du Grenelle II, qui a d'ores et déjà exempté les cultures de fruits et légumes - dites cultures mineures - de réduction d'usage des pesticides, ''sous la pression des lobbies agricoles et de leurs relais au Parlement'', selon François Veillerette. Membre de l'Office parlementaire des choix scientifiques et techniques (OPECST), le député de la Manche (UMP), Claude Gatignol est de ceux qui cherchent à relativiser les impacts des pesticides sur la santé humaine. Dans un rapport remis à l'OPECST en février 2008, M. Gatignol notait que ''si les risques liés à une exposition aiguë aux pesticides sont avérés, ceux liés à une exposition chronique à faible dose sont très controversés''.
En cette année internationale de la biodiversité, la semaine pour les alternatives aux pesticides met l'accent sur l'importance de la protection du vivant. Toutes les régions de France y participent, outre nombre de collectivités locales, d'associations et d'entreprises, Jardiniers de France, Botanic, Biocoop, Léa Nature, mais aussi l'Unaf (Union nationale de l'apiculture française), le WWF, la LPO et la Mairie de Paris, qui s'engage à l'objectif zéro pesticides dans tous les espaces verts parisiens d'ici à 2014.