L'objectif d'interdire l'épandage aérien des pesticides était inscrit dans la loi Grenelle 1. Même si le nombre d'épandages diminue par rapport aux années précédentes, on est encore loin du compte. Le ministère de l'Agriculture avait avancé en avril dernier le chiffre de 800 opérations d'épandage autorisées cette année. Sans surprise, les préfets délivrent actuellement de nombreuses dérogations aux agriculteurs, notamment dans la région Midi-Pyrénées.
Nombreuses dérogations préfectorales
"Haute-Garonne, Lot-et-Garonne, Gers, Loiret, etc. Ces préfectures ont autorisé les épandages de pesticides par voie aérienne sur du maïs pour l'été 2012. D'autres départements seraient en passe de les suivre (…). En Rhône-Alpes et en Bourgogne, les dérogations sont nombreuses sur la vigne. Tous ces épandages ont lieu en ce moment même, ou se dérouleront dans le courant de l'été", s'indignent plusieurs ONG (UNAF, Confédération Paysanne, Agir pour l'environnement, FNAB, Générations futures) dans un communiqué commun.
"Le 18 juillet, la préfecture des Landes a autorisé par un arrêté l'épandage aérien de pesticides sur 8.000 hectares des Landes", ajoute Elise Lowe, porte-parole d'Europe Ecologie Les Verts.
Technique très coûteuse, utilisée en dernier ressort, selon la FNSEA
La FNSEA soutient que cette technique n'est utilisée qu'en dernier ressort et que des précautions sont prises pour éviter toute pollution. "Les agriculteurs ne le font pas de gaîté de coeur, assure le président de la chambre d'agriculture de Haute-Garonne, Yvon Parayre, selon des propos rapportés par l'AFP, car la méthode est très coûteuse, mais il s'agit de prévenir des pertes qui peuvent aller jusqu'à 30% de la récolte".
Ces arguments font bondir les apiculteurs confrontés à une mortalité des abeilles en forte augmentation. "En Midi-Pyrénées, la mortalité moyenne est de 60%", s'indigne Olivier Fernandez, président des apiculteurs de cette région. Ce dernier dénonce en outre un non-respect des procédures : refus de prévenir dans le délai légal, défaut de balisage avant le traitement, et pulvérisation mercredi d'un champ de maïs en pleine floraison, normalement interdite, une infraction constatée par les services préfectoraux et pour laquelle une plainte a été déposée, relate l'AFP.
"C'est un coup de Napalm sur la biodiversité", tonne Gérard Onesta, vice-président EELV du conseil régional de Midi-Pyrénées. "Ces dérogations sont parfaitement inacceptables, car les épandages ont un effet très négatif : ils ne se limitent pas à la parcelle traitée", alerte de son côté l'eurodéputé écologiste José Bové. Avec des conséquences pour la biodiversité, les cultures bio potentiellement impactées mais aussi des risques directs pour la santé humaine.
"Ce mode d'application présente des risques sanitaires réels pour les riverains. Les produits susceptibles d'être utilisés comportent des matières actives cancérigènes, des perturbateurs endocriniens ou des substances entraînant un risque d'effets néfastes pour le développement prénatal de l'enfant. Et dans la majorité des cas, la distance de sécurité de 50 m n'est pas de nature à rendre ces risques acceptables", détaillent les ONG dans leur communiqué.
Vers une remise à plat du sujet par le ministre de l'Agriculture
Ces dernières demandent "enfin" le respect de la loi sur l'interdiction des épandages aériens. "Une concertation doit être ouverte pour la révision de l'arrêté du 31 mai 2011 encadrant ce mode de traitement", ajoutent les associations.
EELV rappelle, de son côté, son refus déterminé de l'épandage aérien de pesticides, dangereux pour l'environnement et la santé humaine. "La France doit rompre avec l'usage de ces produits profondément toxiques", indique Elise Lowy, qui rappelle "qu'il existe des solutions biologiques pour lutter contre les insectes qui attaquent les cultures".
Le député PS Gérard Bapt, président du groupe santé environnementale de l'Assemblée nationale, s'étonne aussi de la multiplication des dérogations et réclame la suspension de la circulaire prévoyant les dérogations. "La DRAAF (1) vit sur de vieux schémas d'agriculture intensive, avec une mésestimation du risque", estime-t-il.
"Il y a déjà moins de dérogations qu'il n'y en a eu précédemment et moi je souhaite qu'il n'y en ait plus du tout", a réagi la ministre de l'Ecologie Delphine Batho sur BFM TV. "Le ministre de l'Agriculture, a-t-elle rappelé, a annoncé une remise à plat du sujet".
Au ministère de l'Agriculture, les services concèdent seulement que "pour l'année prochaine, il serait souhaitable de revoir les critères qui sont à la disposition des préfets pour accorder ou non les dérogations"…