Un bateau avec lequel la compagnie Shell compte effectuer des forages profonds d'exploration pétrolière, considérés comme non-conventionnels, au large de la Guyane devrait arriver sur place mi-juin, a indiqué jeudi 31 mai 2012 Patrick Roméo, le président de Shell France, lors d'une audition devant la délégation à l'outre-mer du Sénat, rapporte l'AFP.
Le groupe pétrolier a déposé un dossier de demande d'autorisation pour quatre forages entre juin 2012 et juin 2013. Le dossier, en cours d'instruction, prévoit qu'un premier forage soit effectué à proximité de celui réalisé en 2011, afin de vérifier si la couche d'hydrocarbures se prolonge. Un deuxième prévu lui aussi pour cette année vise un autre gisement potentiel. Les deux derniers devraient être réalisés en 2013 selon les résultats des premières explorations. Par ailleurs, une nouvelle campagne sismique devrait débuter début juillet.
"La demande énergétique va énormément augmenter et peut doubler d'ici 2050", a expliqué le président de Shell, justifiant les projets de Shell en Guyane par le fait que "la production va avoir du mal à suivre [et] nous sommes à l'aube d'une période de pénurie énergétique qui va entraîner une montée des prix".
La production de pétrole devrait débuter à partir de 2019, a annoncé Patrick Roméo. Le permis d'exploration d'hydrocarbures au large de la Guyane couvre une zone d'environ 24.100 km2, et vient d'être prolongé jusque 2016. Shell possède 45% du projet aux côtés de Total (25%), Tullow-Oil (27,5%) et Northpet Investments (2,5%).
Peu de prise en compte de l'environnement
Six ONG environnementales, parmi lesquelles Guyane nature environnement, Greenpeace, France nature environnement (FNE) et le WWF, déplorent que "la multinationale Shell [vienne] de recevoir l'aval du Préfet pour réaliser 4 forages de recherche de pétrole non conventionnel, alors que rien n'a évolué sur le fond et que plusieurs manquements à la loi sont patents dans le dossier".
Les associations critiquent notamment le fait que ces forages puissent a voir lieu "alors que Mme Anne Duthilleul, missionnée par l'Etat fin novembre pour encadrer l'exploitation pétrolière en Guyane, affirmait qu' « il ne sera pas possible de faire de forages s'il n'est pas démontré qu'ils sont faits dans de bonnes conditions »". Elles dénoncent "le peu d'ambition de l'Etat et de Shell pour une réelle prise en compte de l'environnement", au motif que "la multinationale prévoit d'opérer ses quatre forages ultra-profonds (localisés à 150 km au large de Cayenne par 1.800 à 2.500 m de fond) en ayant recours à la technique dite des boues à l'huile, « alors que ce procédé , qui est très polluant, n'est pas conforme au Code de l'Environnement » comme le rappelle Christian Roudgé, de Guyane nature environnement".
Elles s'interrogent par ailleurs sur "la cohérence politique" entre le non-renouvellement du permis d'exploration Rhône-Maritime, au large de Marseille, et l'avancée des travaux guyanais, ainsi que sur l'"insécurité juridique" pointée par l'avis de mars 2012 du Conseil économique, social et environnemental (CESE) sur la sécurité des plateformes pétrolières. Elles rappellent aussi "l'accident sur la plateforme Elgin, opérée par Total en Mer du Nord, [qui] a montré les limites de l'exploitation de gisements non conventionnels malgré la prétendue maitrise technologique et les effets d'une réglementation à priori des plus avancées en Europe".