Par un arrêt du 7 janvier 2014 (1) , la chambre commerciale de la Cour de cassation retient le manquement de la société ERDF dans le défaut de transmission d'une proposition technique et financière dans le délai de trois mois prévu par sa documentation technique de référence.
Centrale photovoltaïque sur une exploitation agricole
Le litige opposait un groupement agricole d'exploitation en commun (Gaec) situé dans le Morbihan à ERDF. Le Gaec, qui souhaitait créer une centrale photovoltaïque sur une exploitation agricole, avait adressé au gestionnaire du réseau de distribution d'électricité une demande de proposition technique et financière (PTF), dont ce dernier avait accusé réception le 9 septembre 2010. Le 17 janvier 2011, ERDF a indiqué au Gaec que son projet était concerné par les dispositions du décret du 9 décembre 2010, instituant un moratoire sur l'obligation d'achat de l'électricité produite par certaines installations photovoltaïques, et l'a invité à formuler une nouvelle demande de raccordement à l'issue de la période de suspension.
Estimant qu'ERDF avait manqué à ses obligations en ne lui transmettant pas de PTF dans le délai de trois mois prévu dans sa documentation technique, le Gaec a saisi le Comité de règlement des différends (Cordis) de la Commission de régulation de l'énergie (CRE). Le groupement agricole a demandé au Cordis de constater que le refus de raccordement était infondé et d'enjoindre ERDF de lui transmettre une PTF aux conditions en vigueur lors de l'expiration du délai de transmission. Par décision du 26 septembre 2011, le Cordis a considéré que la société ERDF avait méconnu sa documentation technique de référence. Cette dernière a alors formé un recours contre cette décision que la cour d'appel de Paris a rejeté le 8 novembre 2012.
Engagement de la responsabilité des gestionnaires de réseau
La société ERDF s'est pourvue en cassation contre la décision de la cour d'appel de Paris. Selon elle, cette dernière n'aurait pas dû reconnaître la compétence du Cordis, le différend n'ayant pas pour objet un refus d'accès au réseau "qui n'avait pas été formulé", et l'absence de transmission d'une PTF dans le délai de trois mois n'ayant pas privé le producteur de tout accès au réseau. Par ailleurs, ajoutait ERDF, le Cordis n'était pas compétent pour faire droit à des conclusions d'un producteur d'électricité tendant à voir constater le non-respect d'un délai prévu par la réglementation technique du gestionnaire du réseau.
La Cour de cassation rejette cette argumentation. Faute pour le Gaec d'avoir obtenu une PTF dans le délai de trois mois, ni ultérieurement, et donc de n'avoir pu faire raccorder son installation, c'est à bon droit, estime-t-elle, que les juges d'appel ont retenu l'existence d'un désaccord sur la conclusion d'un contrat d'accès au réseau. Le Cordis était donc bien compétent pour régler un tel différend.
D'autre part, la Haute juridiction judiciaire valide la décision d'appel qui reconnaît, dans l'absence de transmission d'une PTF dans le délai de trois mois prévu par sa documentation technique, un manquement d'ERDF susceptible de fonder la demande du Gaec.
"Un gestionnaire de réseau ne pourra plus utilement soutenir, devant quelque juridiction que ce soit, que le délai de transmission de la PTF n'est pas « obligatoire » ou « impératif »", réagissent Stéphanie Gandet et Aurélien Boudeweel, avocats au sein du cabinet Green Law, ajoutant qu'"il reviendra aux juridictions civiles d'en tirer les conséquences qui s'imposent en termes de faute maintenant, d'engagement de la responsabilité délictuelle des gestionnaires de réseau ayant pu méconnaitre ce délai obligatoire et d'indemnisation des préjudices subis par les utilisateurs".