Le non-respect du délai maximal de trois mois par ERDF pour la remise d'une proposition technique et financière (PTF), suite à la réception d'une demande de raccordement, ne fait pas naître une proposition implicite susceptible d'être acceptée par le candidat au raccordement.
C'est ce qui ressort de la décision du Comité de règlement des différends et des sanctions (CORDIS) de la Commission de régulation de l'énergie (CRE) rendue le 22 juin dernier mais publiée au Journal officiel du 17 août.
Un enjeu important par rapport au moratoire
Le différend opposait la société Vol-V Solar à ERDF, à qui elle avait adressé des demandes de raccordement au réseau public de distribution d'électricité de six installations de production photovoltaïque entre le 27 et le 31 août 2010.
En l'absence de proposition reçue d'ERDF au 30 novembre 2010, alors qu'une décision de la CRE prévoit que le délai maximal de transmission de la PTF ne doit pas excéder trois mois, la société Vol-V Solar a considéré que des offres de raccordement implicites avaient été émises et elle a signifié à ERDF leur acceptation.
L'enjeu était important car le 10 décembre suivant était publié le décret suspendant l'obligation d'achat de l'électricité d'origine photovoltaïque avec effet rétroactif au 2 décembre 2010. "Pour garder les conditions existantes pour un projet déjà lancé, les porteurs de projet devaient justifier de la notification d'acceptation de la proposition technique et financière de raccordement au réseau", précise l'association Hespul.
D'où l'insistance de Vol-V Solar à se voir reconnaître l'acceptation à la date du 1er décembre 2010 de PTF qu'elle n'avait pourtant pas encore reçues d'ERDF.
Pas de PTF implicite
Amené à régler le différend, le CORDIS n'a donc pas suivi les arguments de la société demanderesse. Pour cette instance, la décision de la CRE par laquelle elle impose un délai maximal de trois mois pour transmettre la PTF au demandeur ne fait pas naître d'obligation de résultat à la charge d'ERDF quant au respect de ce délai.
Il en résulte qu'il ne peut exister de PTF implicite : "Le non-respect du délai maximum de trois mois pour la remise d'une proposition technique et financière par la société ERDF, si regrettable qu'il soit, ne permet pas, dans le silence des textes, d'affirmer qu'à l'expiration de ce délai naît une proposition technique et financière implicite susceptible d'être acceptée par le pétitionnaire candidat au raccordement".
La portée de la décision encore incertaine
Quelle est la portée réelle de cette décision ? Pour Arnaud Gossement, avocat spécialisé en droit de l'énergie, la difficulté réside précisément dans l'interprétation qu'il convient d'en faire : "Selon une première interprétation, dès lors qu'aucune obligation de résultat ne pèse sur ERDF s'agissant des conditions de procédure, aucune faute ne saurait lui être reprochée et, partant, aucun préjudice ne pourrait, sur ce seul fondement, être sollicité. Selon une deuxième interprétation moins rigoureuse, cette absence d'obligation de résultat a pour seul effet et pour seule conséquence de ne pouvoir faire naître une PTF acceptée tacite."
La portée de la décision n'est pas sans conséquence. Suite à un appel à témoins lancé entre mars et juin 2011, Hespul a recensé 16,1 MWc de projets "qui sont entrés dans le moratoire par la faute des retards de traitement des gestionnaires du réseau", représentant, selon l'association, une perte de 106 millions d'euros pour la filière.
"Dans certains cas, les projets pourront être relancés, dans d'autres, les projets ne peuvent plus voir le jour avec les conditions et contraintes tarifaires d'aujourd'hui", s'alarme Benoît Merieau, chargé de mission photovoltaïque chez Hespul.
Pour Arnaud Gossement, seule la suite du contentieux relatif au moratoire permettra d'en savoir plus. Le Conseil d'Etat a en effet été saisi courant décembre 2010 par un groupement de professionnels du secteur en vue de faire annuler le décret instaurant le moratoire, tandis que d'autres contentieux opposants des acteurs du photovoltaïque à l'Etat et ERDF ont également éclaté.
Sans oublier le fait, comme le souligne l'avocat, que "cette décision du CORDIS est susceptible de faire l'objet d'un appel porté devant la cour d'appel de Paris".