Ce sont plus de 300 000 contributions exprimées par les Français qui ont été formulées sur les nombreuses plateformes de consultation citoyenne ayant émergé pendant le confinement, à l'initiative d'associations (Croix Rouge, WWF…), d'acteurs du digital (Make.org, Bluenove, Recovery), d'entreprises engagées (Groupe SOS) ou de personnalités politiques (« Le Jour d'après », consultation portée par 60 parlementaires).
En complément du Grand débat national et de la Convention citoyenne pour le climat, ces contributions, rassemblées au sein du collectif « Après, Maintenant ! », retracent les besoins et les attentes nouvelles de la société française autour de trois grands thèmes : économie et écologie, nouveau modèle de société et nouvelles formes de la démocratie.
De quoi alimenter les contours du « nouveau chemin » annoncé par le président de la République, à la veille de son intervention, le 14 juillet prochain.
Une société participative
La pandémie actuelle joue un rôle de révélateur de la fragilité des systèmes économiques et sociaux, de plus en plus complexes et interdépendants. La préservation de l'environnement ressort comme le principal enjeu. « L'impératif écologique est devenu le thème récurrent dans 50 % des contributions », commente Franck Escoubes de la plateforme Bluenove.
Le biais du local est fortement invoqué : circuits courts, renforcement des pouvoirs territoriaux, proximité, ressortent des revendications citoyennes. « Entre le canapé et la mondialisation, il y a le local », résume Alicia Combaz, de Make.org lors du Forum des plateformes organisé par France Stratégie le 9 juillet. Make.org a rassemblé quelque 165 000 participants, agrégeant 20 000 propositions et 1,7 million de votes.
Quant à la consultation « Le Jour d'après », elle a été lancée par 60 parlementaires. Ils s'engagent à relayer les trente propositions, recueillies après des ministères concernés, qui demandent une plus grande participation citoyenne aux décisions politiques, « une démocratie narrative » qui permette aux citoyens de se raconter.
Une attente forte se dessine en matière de responsabilité sociale des entreprises. Soixante-cinq pour cent des sondés estiment qu'il y a des activités économiques à stopper ou à changer fondamentalement, notamment à l'aune de critères liés à la question écologique et à l'amélioration des conditions de travail.
Biais de représentatitivité
« Dès lors qu'il ne s'agit pas de relancer le système à l'identique, un devoir d'imagination s'impose à nous », estime France Stratégie qui a ouvert, du 1er avril au 31 mai, un espace contributif. À la clôture de l'appel, le 31 mai, 448 contributions ont été recueillies. Les profils des contributeurs sont divers et regroupent des particuliers, salariés ou chefs d'entreprise, agents publics locaux ou nationaux, des retraités, des chercheurs de disciplines variées mais aussi des élus locaux, des représentants d'organisations syndicales, patronales et associatives.
« Les contributeurs ne sont naturellement pas représentatifs de la population française dans son ensemble. Le simple fait d'avoir répondu à l'appel à contributions révèle un intérêt significatif pour ces questions », reconnaît France Stratégie.
« Pour autant, on peut apercevoir également plusieurs points de dissensus transversaux, plus ou moins explicites, qui traversent les différents axes et qui peuvent préfigurer certains des clivages structurants pour la période qui s'ouvre », souligne France Stratégie.
Une partie de ces dissensus porte sur des orientations radicalement différentes, par exemple la façon de découpler bien-être et empreinte environnementale. Si l'objectif fait consensus, ce n'est pas la même chose de miser sur une forme de croissance verte ou sur la sobriété.
La majorité des contributions mentionne les défis agricoles et alimentaires, notamment la nécessité de relocaliser le système alimentaire, en développant des circuits courts et en s'appuyant sur les principes de l'économie circulaire pour recouvrer une souveraineté alimentaire et limiter les conséquences environnementales d'un système agroalimentaire mondialisé (déforestation, émissions de gaz à effet de serre importées).
La résilience comme projet de société
Renforcer les mesures de protection de la biodiversité implique notamment de lutter contre l'artificialisation des sols et de créer davantage de zones protégées, estiment les participants. D'autres mesures sont proposées pour développer la présence de la nature en ville, par le soutien à la végétalisation et à l'agriculture urbaine.
A été mentionnée la réforme de la politique agricole commune, d'autant plus que les négociations ont été repoussées, afin qu'elle valorise davantage les pratiques agro-écologiques et garantisse la préservation de la biodiversité.
Enfin, les mesures évoquent la mise en place d'une taxe kilométrique sur tous les modes de transport, des systèmes énergétiques repensés selon des critères d'autonomie, de sécurité et de solidarité à différentes échelles. De manière générale, les citoyens consultés plaident pour renforcer la résilience des sociétés.