Rappelons que le 30 décembre 2006, le Parlement a adopté la loi sur l'eau et les milieux aquatiques censée moderniser le dispositif juridique de la gestion de l'eau, qui repose sur les lois sur l'eau du 16 décembre 1964 et du 3 janvier 1992. Cette nouvelle loi vise à un bon état écologique des eaux en 2015, conformément à une directive européenne. Six mois après son adoption, Mme Fabienne Keller a voulu vérifier que l'Etat était en ordre de marche pour assurer le pilotage efficace de ce nouveau cadre législatif. Pour ce faire, elle a analysé successivement l'organisation administrative du pays dans le domaine de l'eau, la traduction budgétaire donnée à cette politique dans le cadre rénové issu de la LOLF* et, à travers l'étude d'un cas concret, les modalités de coordination existant entre l'Etat et les collectivités territoriales.
Le bilan est peu reluisant : la France semble au milieu du gué et de réels efforts restent à accomplir pour satisfaire à l'objectif de bon état écologique des eaux à l'horizon 2015.
La sénatrice formule en conséquence plusieurs recommandations**. Elle estime tout d'abord qu'il faut poursuivre la rénovation de l'organisation administrative de la France. Même si des améliorations ont été enregistrées (services uniques de police de l'eau, services de prévision des crues, renforcement des attributions du préfet coordonnateur de bassin, rôle stratégique de la mission interservices de l'eau (MISE), rapprochement des DRIRE et des DIREN, meilleur cadrage national des agences de l'eau), elle s'inquiète notamment du sort de la direction de l'eau et des conséquences de la création de l'ONEMA qui entraîne une importante redistribution des rôles au niveau central. La sénatrice s'interroge à ce titre de savoir si la création de l'ONEMA ne rendrait pas plus précaire l'existence de la direction de l'eau, en constituant un démembrement supplémentaire des fonctions de pilotage de la politique de l'eau, en diminuant encore le faible montant de crédits budgétaires dédiés à cette politique et en restreignant les prérogatives d'un directeur qui n'était déjà pas responsable de programme au sens de la LOLF. Ainsi pour poursuivre cette rénovation, Mme Keller préconise d'approfondir la simplification des échelons territoriaux, de poursuivre la diminution du nombre des services et de renforcer le pilotage des services départementaux. Pour exemple, les directions départementales de l'agriculture et de la forêt (DDAF) et les directions départementales de l'équipement (DDE), dont les attributions en matière d'eau sont significatives, ne sont pas placées sous l'autorité directe du ministère chargé de l'écologie. Leur pilotage s'en trouve affaibli, notamment par l'impossibilité pour le ministère chargé de l'écologie de maîtriser les effectifs consacrés à la politique de l'eau ou par la possible survenue de conflits d'intérêts au sein des directions entre les missions « eau » et les missions « agriculture » ou « équipement », explique Fabienne Keller.
D'autres préconisations visent notamment à améliorer la lisibilité budgétaire de la politique de l'eau. En effet, selon le rapport, au moins 11 programmes répartis dans 5 missions pilotées par 5 ministères contribuent à la politique de l'eau. Selon Fabienne Keller, cette dispersion rend difficile une appréhension globale de la politique de l'eau, ne permet pas de connaître précisément quels moyens de personnel et de fonctionnement lui sont consacrés et fait douter de l'existence d'une véritable stratégie gouvernementale en la matière. La constitution du ministère de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables devrait peut-être remédier à ce problème sans toutefois faire disparaître les intérêts divergents avec l'agriculture. Pour rénover ce cadre budgétaire, Fabienne Keller considère notamment qu'il faut remédier à la scission des crédits de politique de l'eau, par la fusion des trois programmes actuels de la mission « Ecologie et développement durable » ou par la constitution d'un programme « eau » au périmètre élargi.
Enfin, Mme Keller souhaite une meilleure prise en compte des actions menée par les collectivités territoriales dans ce domaine et les contraintes qui s'imposent à elles. Le rapport donne en exemple la problématique du non-respect de la directive sur les eaux résiduaires urbaines qui expose la France à une sanction pécuniaire de plusieurs centaines de millions d'euros. Un examen attentif révèle que les responsabilités en la matière sont largement partagées entre l'Etat, qui a tardé à transposer la directive et n'a pas assuré un suivi efficace de son application, et les collectivités territoriales qui ont longtemps différé des investissements coûteux, indique le rapport. Trois solutions sont actuellement mises en œuvre ou envisagées, qui consistent à rendre les financements des agences de l'eau plus incitatifs, à renforcer l'action régalienne de l'Etat, voire à faire peser sur les collectivités « fautives » la charge d'éventuelles sanctions pécuniaires. Mais pour Fabienne Keller, dans la mesure où les responsabilités sont largement partagées en l'Etat et les collectivités territoriales et que ces dernières ne sont pas associées aux négociations communautaires, il n'apparaît pas acceptable de leur faire payer le prix d'une éventuelle sanction. Elle propose plutôt d'améliorer la coordination entre l'Etat et les collectivités territoriales tant au stade de l'élaboration que de l'application concrète du droit de l'eau. Pour Mme Fabienne Keller, cette coordination doit prendre la forme d'un dialogue entre partenaires placés sur un pied d'égalité.
* Loi organique relative aux lois de finances