Habitat, bureau, école, transports… Les Français passent près de 90% de leur temps dans des environnements clos. Or, "la qualité de l'air respiré dans ces environnements (1) peut avoir des effets sur le confort et la santé, depuis la simple gêne (gêne olfactive, somnolence, irritation des yeux et de la peau) jusqu'à l'apparition ou l'aggravation de pathologies : allergies respiratoires, asthme, cancer, intoxication mortelle ou invalidante". C'est pourquoi l'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses), l'Observatoire de la qualité de l'air intérieur (OQAI) et Pierre Kopp, professeur d'économie de l'université Sorbonne Panthéon I, ont mené une étude exploratoire (2) pour évaluer le coût socio-économique de cette pollution.
L'évaluation, qui porte sur six polluants (le benzène, le trichloréthylène, le monoxyde de carbone (CO), le radon, les particules et la fumée de tabac environnementale), établit à 19 milliards d'euros par an le coût de cette pollution. Les auteurs préviennent : "Cette première étude [est] plus illustrative que quantitative" étant donné son périmètre restreint. Elle ne prétend donc pas à "l'exhaustivité des coûts associés à la pollution intérieure dans la mesure où en l'état actuel des connaissances, il n'est pas possible de recenser l'ensemble des polluants intérieurs et d'en évaluer les effets associés".
En 2011, l'étude européenne Aphekom avait évalué à 31,5 Mds€ par an le coût du non-respect des seuils préconisés par l'OMS pour les particules fines dans 25 grande villes de l'UE. Une étude du ministère de l'Ecologie évaluait, en 2012, l'impact sanitaire de la pollution atmosphérique entre 20 et 30 mds€ par an.
14 Mds€ pour les particules
L'évaluation du coût socio-économique de la pollution de l'air intérieur consiste à additionner les coûts estimés des décès prématurés, de la prise en charge des soins, des pertes de production mais aussi les coûts de la prévention, de la recherche... Les particules à elles seules coûteraient 14 Mds€ par an.
Les six polluants de l'air intérieur pris en compte causeraient 19.884 décès par an : 342 décès liés au benzène suite à une leucémie, 20 décès par cancer du rein engendré par le trichloréthylène, 2.074 décès par cancer du poumon associé à une exposition au radon résidentiel, 98 décès d'une intoxication au CO, 16.236 décès associés à une exposition aux particules (dont 10.006 d'origine cardiovasculaire, 2.074 par cancer du poumon et 4.156 des suites d'une broncho-pneumopathie chronique obstructive) et 1.114 décès par la fumée de tabac environnementale (dont 152 par cancer du poumon, 510 par infarctus, 392 par accident cérébral et 60 des suites d'une broncho-pneumopathie chronique obstructive).
La morbidité totale engendrée par ces mêmes polluants est estimée à 31.211 personnes par an, dont 28.800 cas sont liés aux particules.
Une évaluation partielle du coût de la pollution de l'air intérieur
Les polluants ont été retenus selon la disponibilité des données sur les niveaux d'exposition de la population et les effets sanitaires associés. "L'absence de certains polluants communément rencontrés dans l'air des environnements intérieurs et pour lesquels les effets sanitaires sont connus peut susciter des interrogations", reconnaissent les auteurs. Ainsi, certains polluants prioritaires dans l'air intérieur des logements, le formaldéhyde et l'acroléine, ne sont pas pris en compte dans l'étude, "du fait de l'absence de relations dose-réponse publiées, accessibles et validées par la communauté scientifique". L'amiante, les oxydes d'azote, les composés organiques volatils (COV) et semi-volatils (COSV), les hydrocarbures aromatiques polycycliques, les agents biologiques (moisissures notamment) ne figurent pas non plus dans le périmètre de l'évaluation. "Un élargissement des polluants intérieurs considérés pourrait a minima inclure les polluants classés prioritaires par l'OQAI et l'Anses, et qui ont fait l'objet récemment, ou doivent faire l'objet prochainement, de l'établissement d'une VGAI" (valeur guide dans l'air intérieur), estiment les auteurs.
Les effets retenus pour chaque polluant sont relatifs à une exposition chronique, or, "les effets aigus peuvent être générateurs de coûts". L'effet cocktail de ces différents polluants n'a pas non plus été pris en compte, car peu abordé par les évaluations sanitaires.
Les auteurs estiment donc que la poursuite de ces travaux pourrait prendre en compte le formaldéhyde, les moisissures, l'effet cocktail. Une approche par source de pollution (ameublement, produits ménagers…) leur paraît également pertinente.