L'Anses a rendu le 12 septembre dernier un avis relatif à la contamination de l'eau par la N-nitrosomorpholine (NMOR) (1) , une nitrosamine, et son impact éventuel sur la qualité sanitaire de certains produits agricoles. L'Agence avait été saisie en juillet dernier d'une demande d'avis sur cette question par la Direction générale de l'alimentation (DGAI), la Direction générale de la prévention des risques (DGPR) et la Direction générale de la Santé (DGS).
Substance potentiellement cancérigène
C'est dans le cadre d'une campagne nationale d'analyse des eaux destinées à la consommation humaine menée par l'Anses à la demande de la DGS, qu'une pollution en NMOR a été mise en évidence dans les eaux souterraines et superficielles du bassin de Bolbec et du Commerce (Seine-Maritime).
La substance ayant été identifiée sur le captage de Bolbec-Gruchet le Valasse, la ministre de l'Ecologie, Delphine Batho, indiquait le 26 juillet que la préfecture avait pris des mesures d'information du public et de mise à disposition de bouteilles d'eau. "Cette substance, qui ne fait pas actuellement l'objet d'une réglementation, est indésirable car considérée comme potentiellement cancérigène s'il y a une consommation quotidienne d'eau du robinet (environ 2 litres par jour et par personne) sur une très longue période", avait précisé l'Agence régionale de santé.
Selon le ministère de l'Ecologie, l'origine de la pollution se trouvait dans l'usine pharmaceutique ORIL Industrie à Bolbec, qui appartient au groupe Servier.
Compte tenu de la présence d'une activité agricole importante dans les secteurs potentiellement impactés, en particulier via l'abreuvement des animaux, la demande d'avis adressée à l'Anses portait non seulement sur la contamination de l'eau par la NMOR mais aussi sur le risque de contamination de la chaîne alimentaire à partir d'activités agricoles utilisant les eaux contaminées.
La présence de NMOR dans la viande, les œufs ou le lait pas exclue
L'expertise a été réalisée par un groupe d'expertise collective d'urgence créé fin août. Les données bibliographiques sur la question se sont révélées parcellaires et l'extrapolation à partir d'autres niotrasamines "pas envisageable dans la globalité". Deux caractéristiques communes aux différentes nitrosamines semblent toutefois ressortir : une "cinétique d'élimination rapide" et une "absence de signes d'accumulation dans l'environnement et de bioaccumulation dans les organismes animaux".
Néanmoins, "la présence de NMOR dans la viande, l'œuf ou le lait de vache ne peut être exclue. La question d'une possible contamination transitoire de la viande, du lait et des œufs des animaux abreuvés avec de l'eau contaminée, nécessiterait néanmoins d'être étayée par la réalisation d'analyses exploratoires dans la zone polluée", indique l'avis.
Concernant le risque de contamination des végétaux, les données suggèrent "une absence d'accumulation et une faible persistance dans les sols", mais le groupe d'expertise n'est pas en mesure d'estimer ce risque. "A ce stade, une modélisation réalisée à partir de données de contamination des eaux d'irrigation et de contamination des sols, intégrant des paramètres de stabilité de la molécule aux rayonnements lumineux, qu'il conviendrait d'étayer avec des données analytiques pourrait permettre d'estimer le transfert de la NMOR aux plantes", précise l'avis.
En ce qui concerne la pisciculture, la probabilité d'une contamination des organismes aquatiques est estimée comme faible "au regard des caractéristiques physico-chimiques de la NMOR et notamment du faible pouvoir de bioaccumulation dans les organismes vivants".
D'une manière plus générale, l'ensemble des données disponibles suggère que la contamination des produits animaux est susceptible de diminuer fortement dès l'arrêt d'utilisation des eaux contaminées.
Un plan d'échantillonnage nécessaire
Dans le cas de données bibliographiques insuffisantes, ce qui s'est révélé être le cas, les autorités de saisine avaient demandé à l'Anses de proposer un plan de prélèvements et d'analyse de denrées et une méthodologie d'interprétation des résultats afin d'évaluer le risque pour les consommateurs. Dans ce cadre, l'Anses recommande un plan d'échantillonnage visant à acquérir des éléments "sur les niveaux de contamination des produits issus d'animaux abreuvés ou de végétaux irrigués avec de l'eau contaminée par la NMOR".
"Les prélèvements seront réalisés au sein d'exploitations préalablement identifiées comme les plus exposées", précise l'avis. Les "matrices alimentaires" retenues pour être analysées sont le lait et les œufs, de même que les légumes riches en eau : cucurbitacées, salades, épinards. "Parallèlement à ces prélèvements, un échantillon de l'eau, ayant servi à l'abreuvement des animaux ou l'irrigation des cultures, sera systématiquement prélevé et analysé", recommande enfin l'Anses.