Pouvoirs publics, élus, organismes de recherche et même certains industriels intéressés pourraient, début 2013, profiter d'un nouvel outil pour l'identification et la hiérarchisation des points noirs environnementaux. Baptisé Plaine pour Plate-forme intégrée pour l'analyse des inégalités d'exposition environnementale, ce dispositif est développé actuellement par une équipe de chercheurs de l'Ineris (1) qui a présenté les premiers résultats de ces travaux le 22 novembre. Partie prenante des actions du deuxième Plan national de santé environnementale (PNSE2), l'institut a en effet inscrit la question des inégalités environnementales dans son contrat d'objectifs 2011-2015. "D'ici 2013, l'Ineris devra identifier les zones à risques pour les populations afin de réduire les niveaux de contamination et assurer leur surveillance environnementale", a ainsi souligné Céline Boudet, responsable de l'unité Impact sanitaire et expositions à la direction des risques chroniques de l'Ineris.
Une multitude de données à intégrer
Développée en partenariat avec l'Université technologique de Compiègne (UTC), Plaine intègre une multitude d'informations en prenant en compte de nombreux polluants ainsi que des données de différents types (environnementales, socio-économiques et sanitaires). Cette plate-forme cumule également ces données avec les modes de vie des populations concernées, le tout est ensuite agrégé sur une seule carte géographique afin de faire apparaître les situations d'inégalités environnementales. "L'évaluation des expositions doit aujourd'hui être conçue de manière dynamique, en relation avec un espace géographique, dans une évolution temporelle continue, et répondant à des déterminants multiples qui interagissent entre eux pour déclencher un effet (pluralité des sources de pollution, diversité des vecteurs de transfert via différents milieux, variété des modes d'exposition…)", précise l'Ineris.
Pour concevoir un tel outil, l'Ineris a donc dû croiser un nombre important de bases de données provenant de différents instituts ou organismes comme le BRGM (2) , les Agences de l'eau, l'Inra (3) , l'Insee (4) ou encore les services statistiques du ministère de l'Ecologie (SoES). Sur ces bases, l'Institut a utilisé un modèle numérique d'exposition multi-milieux développé par ses équipes et interfacé dans un système d'information géographique (SIG). Ce modèle numérique, appelé Omer pour Outil modulatoire d'estimation des risques, contient en fait un jeu d'équations qui calculent les doses d'exposition des populations et donc le risque. Par ailleurs, les cartes réalisées seront associées à une carte d'incertitude.
Un test-pilote sur deux régions
Afin de s'assurer de la faisabilité de la plate-forme, l'Ineris a pu compter sur les travaux de recherche de thèse de Julien Caudeville, étudiant à l'UTC. Ce dernier a mené une étude-pilote dans les régions Nord-Pas-de-calais et Picardie pour quatre éléments trace métalliques (le nickel, le cadmium, le chrome et le plomb). Ces travaux qui ne renseignent pas encore sur les points noirs environnementaux, ont surtout montré la pertinence de cet outil. "Grâce à Plaine, la population totale exposée à ces quatre polluants, le nombre de personnes vulnérables concernées et le mode de contamination sont désormais connus", détaille Céline Boudet. Au final, les cartographies obtenues ont abouti à différentes observations. "Pour l'ensemble des polluants, la classe d'âge la plus vulnérable est systématiquement celle de 2 à 7 ans", indique les documents de l'Ineris, tout en ajoutant que "les voies d'exposition prépondérantes, variables selon les régions, correspondent à l'ingestion d'eau de consommation et de sol pour le plomb, de légumes pour le cadmium et à l'inhalation pour le nickel".
Testée uniquement sur deux régions, Plaine devrait normalement être déployé sur toute la France et prendre en compte davantage de substances polluantes en considération. "Cet outil permet d'intégrer autant d'éléments que l'on veut, mais encore faut-il avoir ces données. (…) Une hiérarchisation de polluants sera également nécessaire", développe Céline Boudet. Actuellement, des travaux de recherche seront approfondis sur ces deux régions tests et débuteront également pour l'Ile de France, la Bretagne et Rhône-Alpes, ces dernières possédant déjà des bases de données avec des notions spatiales.
Etablir de meilleures stratégies de réduction des polluants
Capable d'évaluer les transferts environnementaux et l'exposition multi-voies de la population sur une échelle spatiale fine, la plate-forme Plaine apparaît comme un outil d'aide à la décision au niveau national, régional et local. "Cet outil est précieux pour les pouvoirs publics et les porteurs de projets car il facilite la catégorisation des substances et l'identification de meilleurs traceurs de risque", confirme la responsable de l'unité de recherche. Ces capacités pourront ainsi rendre plus efficaces les stratégies de réduction mises en place ultérieurement, notamment à une échelle régionale ou locale. A ces niveaux, la plate-forme pourrait également aider à identifier la contribution d'une source de pollution, notamment dans le cas d'une zone industrielle. Enfin, du point de vue des riverains, Plaine servirait à l'information du public et contribuerait "à impliquer les populations dans la réduction des risques" grâce à sa dimension comportementale.
En outre, cet outil pourrait améliorer les méthodes d'évaluation des risques sanitaires (ERS) utilisées lors des études d'impact dans les procédures d'autorisation d'exploiter des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE). "L'ERS ne peut pas aujourd'hui constituer le seul outil pour l'évaluation de l'impact sanitaire de la pollution de l'environnement sur une population. La prévention des impacts dans des zones de surexposition potentielle ne se limite en effet pas aux activités industrielles futures. Elle traite aussi des activités passées ou en cours", appuie l'Institut.