En février 2023 est donné le premier coup de pelle d'un chantier de 80 logements collectifs et 14 maisons dans la zone d'aménagement concertée (ZAC), dite Woodi, à Melun (Seine-et-Marne). Cette opération immobilière menée par le promoteur Crédit Agricole Immobilier Corporate et Promotion fait appel notamment à une entreprise du département pour construire en atelier et acheminer sur site les murs de chanvre de chacune des habitations. Une collaboration qui fait suite à une volonté assumée et à des actions menées depuis 2018 pour soutenir la filière locale de chanvre.
Changer les habitudes
« Les techniques de préfabrication se sont développées massivement dans les années 1950 en France, mais plutôt autour du béton. Les applications industrielles de préfabrication en bois existent depuis plus de vingt ans. La préfabrication en matériaux bio-sourcés, c'est-à-dire avec une isolation bio-sourcée, par exemple à base de chanvre, est, elle, plus récente », explique David Dekeyser, chef de projet pour l'association Ekopolis, dont l'enjeu est d'améliorer les pratiques des professionnels du bâtiment en Île-de-France.
« Le mur Wall'up n'est pas porteur. Il a besoin de l'adjonction d'une structure en béton pour que le bâtiment ne s'affaisse pas. Il était difficile de transiger là-dessus. Mais pour des raisons de compétitivité, Wall'up souhaitait travailler sur des modules de l'ordre de 9 mètres. » Dès la conception, chacun des acteurs a fait état de ses contraintes et de ses demandes, et du fait d'un intérêt mutuel pour la construction de bâtiments durables, « tout le monde s'est écouté, ce qui est rarement le cas dans nos métiers », conclut-il. « Le travail collaboratif dès l'amont est particulièrement adapté pour gérer les contraintes de la construction hors site, ajoute David Dekeyser. En effet, elle n'est pas réputée pour sa souplesse. » Si Arthur Cordelier, dirigeant de Wall'up, abonde, il tient à préciser une implication : « Le développement du projet avant le dépôt du permis de construire est beaucoup plus complet et nécessite d'opérer certains choix (passage réseaux…) habituellement faits plus tard dans la construction classique. »
Le directeur technique national et qualité au Crédit Agricole Immobilier Corporate et Promotion indique avoir souhaité « la pose des menuiseries en atelier, directement sur les murs de chanvre ». « Mais les équipes n'étaient pas complètement prêtes. » Ce n'est que partie remise pour Sylvain Girard, qui assure qu'elles le seront pour le prochain chantier. Il souhaite aussi pousser le hors-site encore plus loin sur les chantiers dont il a la charge, par exemple en empilant des modules pour créer des habitations collectives. David Dekeyser indique voir des exemples de modulaires en 3D de ce genre régulièrement dans la littérature et chez les acteurs du secteur : « Il y a beaucoup d'unités d'habitation complètes avec la peinture et le câblage électrique déjà dans les parois, qui arrivent sur site par camion. »
Allier l'environnemental au social
« Les métiers du bâtiment sont en tension : la demande s'accroît, mais le nombre de formés stagnent », explique Arthur Cordelier. Une situation qu'il attribue notamment aux difficultés de déplacement travail-logement. La majorité des embauches en Île-de-France se font sur chantier, quelquefois bien situé pour le salarié, quelquefois non. Face à ce constat, il met en avant une embauche tous les matins au même endroit pour les 20 salariés en CDI qu'emploie sa structure, avec un impact sur la qualité de vie au travail, le bilan carbone des déplacements et la finition des produits.
Située dans le département de la Seine-et-Marne, Wall'up tire aussi avantage de sa proximité avec le chantier – une proximité connue depuis 2018, où 10 hectares de chanvre avaient été plantés par le Crédit Agricole Immobilier Corporate et Promotion sur la ZAC. « Bien sûr, nous utilisons aussi du béton, explique Nathalie Gagnadre, directrice grands projets pour la structure. Mais nous essayons de compenser en pensant le bilan carbone sur le temps long. » Ainsi, la plantation de chanvre a été décidée, car « c'est une plante qui n'utilise que peu d'eau, ne demande pas de pesticides et ne rejette pas de carbone ». Des atouts environnementaux indéniables qui viennent s'ajouter au besoin de soutien de la filière locale et de ses acteurs. Citons enfin une collaboration avec le CFA de La Rochette (Seine-et-Marne) qui a permis l'ouverture d'une filière « matériaux bio-sourcés ».