Missionné fin mai dernier, Dominique Potier, député PS de Meurthe-et-Moselle, a remis ce mardi 23 décembre au Premier Ministre son rapport d'évaluation et de révision du plan Ecophyto lancé en 2008 par la précédente majorité, dans le cadre du Grenelle. Ce plan visait à réduire de moitié si possible le recours aux pesticides d'ici 2018.
Ce rapport intervient alors qu'au niveau national, l'utilisation des produits phytosanitaires dans les zones agricoles a de nouveau augmenté de 9,2% en 2013 (1) par rapport à 2012, selon les chiffres publiés par le ministère de l'Agriculture ce 23 décembre. L'année 2013 a été marquée par "une forte pression des maladies fongiques sur l'ensemble des cultures" favorisées par les conditions climatiques qui ont accéléré l'usage des pesticides, souligne le ministère. Entre 2012 et 2013, le recours aux insecticides a diminué de 8,7%, tandis que le recours aux fongicides et aux herbicides a augmenté respectivement de 8,7% et 13,2%.
Efficacité du réseau de fermes Dephy
En 2012, le recours aux phytos avait pourtant baissé de 5,7% par rapport à 2011, s'était félicité le ministre de l'Agriculture Stéphane Le Foll en saluant la mise en place des outils du plan (Certiphyto, fermes pilotes Dephy, publication de bulletins de santé du végétal…). Si certains réseaux d'exploitations agricoles (fermes Dephy) parviennent à réduire leurs utilisations de produits phytosanitaires, les objectifs restent loin d'être atteints. Alors que près de 2.000 fermes du réseau Dephy sont recensées en 2013, "le nombre de traitements moyen depuis l'entrée des fermes dans le réseau a diminué en 2013 de 12% pour les grandes cultures et la polyculture-élevage et de 11% pour l'arboriculture", précise le ministère. Des résultats "encourageants" ont été observés pour les fermes Dephy "souvent engagées dans des démarches agro-écologiques" tout en "conservant de très bons rendements", souligne-t-il. Le poste "herbicides" reste néanmoins "le plus difficile à réduire" dans ces fermes.
En octobre 2012, Stéphane Le Foll proposait déjà de réorienter le plan Ecophyto afin d'encourager de nouvelles
Optimiser le plan Ecophyto via l'agro-écologie
Baptisé "Pesticides et agro-écologie : les champs du possible", le rapport de Dominique Potier entend inverser la tendance et formule 68 recommandations (2) pour mettre en œuvre une nouvelle version du plan Ecophyto prévue en 2015. M. Potier propose de maintenir "l'objectif grenellien mais en le réalisant en deux temps d'ici 2025". Dans son rapport, il considère "qu'il ne faut pas abandonner le plan au nom de son apparente inefficacité, mais plutôt le reconcevoir en étendant son emprise à des leviers nouveaux, et en améliorant sa cohérence avec l'ensemble des politiques publiques et stratégies économiques ayant un lien direct ou indirect avec les pratiques phytosanitaires".
M. Potier formule deux niveaux de recommandations. Le premier concerne les solutions "pratiques" qui "permettront de franchir un premier cap" de 25% de réduction des usages d'ici cinq ans. Pour ce faire, le député mise sur les évolutions "techno-scientifiques" économisant les intrants. Il table sur le "renouvellement des agroéquipements" (pulvérisation de précision, matériels de désherbage) qui permettent notamment de réduire les pertes de produits jusqu'à 40% dans les vignes. Il s'agit également de développer les alternatives aux pratiques conventionnelles : nouvelles technologies de biocontrôle (insectes, substances naturelles…) permettant de se substituer à un produit biocide, utilisation des variétés résistantes aux maladies permettant des économies de fongicides.
Pour "accélérer la diffusion et la mise au point de ces innovations", le rapport appelle à renforcer et compléter l'accompagnement technique des agriculteurs et gestionnaires d'espaces. "Les dispositifs déjà mis en place par le plan tels que Bulletin de santé du Végétal (BsV), réseaux Dephy, Certiphyto doivent évoluer de façon à décupler le nombre des praticiens pionniers". Les "synergies entre le plan Ecophyto et les dispositifs qui concourent à ses objectifs" - mesures agroenvironnementales (MAE) dans la Politique agricole commune 2015, groupements d'intérêt écologique et environnemental (GIEE) dans la loi d'avenir agricole, plans "protéines" et "Ambition bio 2017" - doivent être" accrues", préconise-t-il.
Le député mise également sur l'expérimentation des certificats d'économie de produits phytosanitaires (CEPP) prévus par la loi d'avenir agricole, pour accélérer la diffusion des techniques de réduction des usages des pesticides. Il recommande que l'expérimentation de ces certificats soit mise en place selon un "dispositif simplifié", en préférant à un marché ouvert des relations contractualisées entre distributeurs et structures éligibles.
Diversité des cultures et rotation
Le second niveau de recommandations à l'horizon 2025 vise "à changer la donne" en faisant évoluer l'écosystème agricole et alimentaire. "La mesure phare, c'est l'agronomie, la diversité des cultures et la rotation", a déclaré M. Potier à Actu-Environnement. Le verdissement des aides de la PAC à compter de 2015 doit favoriser ces cultures.
Le défi français de "50% des exploitations en agro-écologie en 2025", défendu par Stéphane Le Foll, "justifie un effort à notre portée", estime M. Potier. Ce qui nécessite un "accompagnement" des agriculteurs dans leur projet de transition agro-écologique, en certifiant un type de conseil agricole spécifique. "Il s'agit de passer de l'accompagnement des 3.000 exploitations à venir du réseau Dephy à plus de 30.000 exploitations bénéficiant d'un conseil certifié", a précisé M. Potier. Soit multiplier par 10 le nombre d'agriculteurs formés.
"Zéro phyto" dans les jardins
"L'usage des pesticides est à 95% agricole et 5% non agricole", a-t-il rappelé. Dans les zones non agricoles (jardins publics, cimetières...), l'utilisation des produits phytosanitaires a baissé de près de 8% en 2013, selon le ministère de l'Agriculture. Une évolution encourageante alors que la ministre de l'Ecologie Ségolène Royal envisage d'interdire l'usage des pesticides dans les jardins publics fin 2016 par les collectivités, via le projet de loi sur la transition énergétique. Ce que salue M. Potier. Il demande de ne plus autoriser la vente en libre service des produits interdits en 2022 dans les jardins et espaces publics.
Côté financements : le député appelle à porter la contribution de la redevance pour pollutions diffuses au financement direct du plan Ecophyto "au minimum à 100 millions d'euros", en y affectant l'augmentation de recette résultant de l'extension de son assiette. Le plan Ecophyto est actuellement doté d'un budget annuel de 41 millions d'euros.
Les recommandations de ce rapport seront "analysées et serviront de socle au lancement d'un nouveau plan Ecophyto" en 2015, a indiqué le ministère de l'Agriculture.