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Premiers essais de fusion par laser en 2010
Si la fission nucléaire est contrôlée depuis longtemps pour la production d'électricité, ce n'est pas encore le cas de la fusion. Cette réaction est difficile à réaliser car il faut rapprocher deux noyaux qui ont tendance naturellement à se repousser et ce phénomène ne peut avoir lieu que dans des conditions de température et de pression extrêmement élevées. Selon le CEA, pour arriver à la fusion thermonucléaire, il faut notamment atteindre des températures de l'ordre de 100 millions de degrés Celsius. Pour satisfaire à ces conditions et passer outre cette répulsion, il faut donc confiner les deux noyaux soit grâce à un champ magnétique, c'est l'option qui sera testée dans le cadre du laboratoire ITER en construction en France à Cadarache (13), soit grâce à des lasers comme au laboratoire américain ''National Ignition Facility'' (NIF) ou au Laser Mégajoule (LMJ), son équivalent français en cours de construction à Bordeaux (33).
La finalité n'est pas simplement de fusionner les noyaux mais bien de générer 10 fois plus d'énergie que la quantité injectée pour provoquer la réaction. Selon les scientifiques, cela nécessite d'apporter au minimum plus d'un mégajoule d'énergie pendant plusieurs milliardièmes de seconde. Les travaux américains sont donc très prometteurs pour cette raison. ''Franchir la barrière du mégajoule nous rapproche du déclenchement de la fusion nucléaire et montre le potentiel énorme de l'un des plus grands défis scientifiques et d'ingénierie de notre époque'', a déclaré Thomas D'Agostino, le directeur de la NNSA (National Nuclear Security Administration). Le laboratoire prévoit de commencer les essais de fusion sur des noyaux légers de deutérium et de tritium (deux noyaux d'isotopes de l'hydrogène) dans le courant de l'année 2010.
Une nouvelle voie possible pour la fusion par champ magnétique
Du côté de la fusion par champ magnétique, les recherches progressent également. Des chercheurs du Massachussets Institute of Technology (MIT) et de l'Université de Colombia ont présenté fin janvier des résultats significatifs dans la revue Nature physics dans le cadre du projet Levitated Dipole Experiment ou LDX. Les équipes ont réussi à contrôler le mouvement d'un plasma porté à 10 millions de degrés et à le rendre plus dense grâce à l'application d'un champ magnétique. Ce phénomène pourrait être utilisé pour forcer des atomes à fusionner.
Selon l'institut, ce type de concentration n'avait jamais été recréé en laboratoire auparavant et cette approche pourrait fournir une voie alternative pour la fusion nucléaire. En effet, à l'heure actuelle la fusion par utilisation de champ magnétique est étudiée dans des machines baptisées ''tokamak''. Cette machine est une sorte de four qui permet de créer un plasma et de le maintenir en son cœur grâce à des champs magnétiques très puissants. Le premier fut mis au point par les Russes, d'où son nom. Selon Jay Kesner co-responsable du projet LDX, ''dans un tokamak, le plasma chaud est confiné à l'intérieur d'un aimant énorme, mais dans le LDX l'aimant est à l'intérieur du plasma''. De plus, contrairement aux tokamaks qui fusionnent du deuterium avec du tritium, la technologie du MIT permettrait de fusionner que des noyaux de deuterium. Or c'est un élément qui peut être extrait de l'eau assez facilement alors que le tritium est fabriqué à partir du lithium, un élément stable et abondant dans la croûte terrestre selon le CEA.
Jay Kesner précise toutefois que la technologie basée sur les tokamaks est bien plus avancée que les techniques testées au MIT et devrait voir le jour plus rapidement. Fer de lance dans ce domaine, le projet ITER devrait entrer dans sa phase d'exploitation en 2015 en France. Ce réacteur expérimental, dont le coût total est évalué à 10 milliards d'euros doit permettre de produire de l'énergie à un stade pré-industriel à l'horizon 2035.
Si la fusion nucléaire mobilise autant de chercheur et d'argent, c'est que sur le papier elle présente de nombreux avantages par rapport à la fission nucléaire mise en œuvre dans les centrales actuelles. Contrairement à la fission, la fusion ne présenterait pas de risque d'emballement puisque la moindre perturbation au sein du réacteur entraînerait un refroidissement du plasma et un arrêt spontané des réactions. De plus, le produit de combustion de la fusion est de l'hélium, un gaz non radioactif et chimiquement inerte. Les déchets technologiques seront, quant à eux, constitués par les matériaux entourant le plasma, matériaux qui sont rendus radioactifs par le bombardement des neutrons générés par les réactions. Mais 90 % des déchets radioactifs ainsi générés par l'exploitation, puis le démantèlement de l'installation, seront des déchets de très faible, faible ou moyenne activité.