Selon ce chercheur, le Japon a opté, jusqu'à la dernière élection, pour une doctrine de politique climatique reposant sur l'estimation du potentiel national de réduction d'émission. Ce calcul est guidé par le souci de maintenir le niveau de compétitivité économique du pays par rapport aux autres pays industrialisés. Cette approche est voisine de celle qui vise l'amélioration de l'intensité énergétique par point de PIB. Elle diffère de l'approche « contraction et convergence », qui met l'accent sur une trajectoire d'émissions équitable entre pays, calculée per capita, selon le principe de responsabilités communes mais différenciées. D'après les calculs effectués par l'équipe de recherche de Norichika Kanie, les résultats sont très différents selon le scénario d'allocation d'émissions choisi. Dans le scénario le plus équitable, qui tient compte d'un coefficient de pondération par le PIB, (plus un pays est riche, plus il doit réduire ses émissions), le Japon devrait réduire ses gaz à effet de serre de 30% d'ici à 2020. Or le scénario choisi par le gouvernement sortant de M. Aso n'aboutissait qu'à un objectif de -8%, ce qui n'avait pas manqué de décevoir la communauté internationale.
L'on conçoit donc que l'initiative climatique, annoncée en septembre par le nouveau Premier ministre, fasse polémique au pays du soleil levant. Outre son annonce fracassante d'une réduction de 25% des émissions nippones d'ici à 2020 (par rapport à 1990), M. Hatoyama a également révélé « l'initiative Hatoyama » pour soutenir les pays en voie de développement sur la voie de leurs propres réductions d'émissions au-delà de 2012. Dans son discours devant les Nations unies, M. Hatoyama a affirmé que ''l'aide publique et les transferts de technologies aux pays en développement (étaient) d'une importance critique'' avant de développer les quatre principes de son ''initiative'' : contribution financière substantielle versée aux pays en développement et aux petits Etats insulaires les plus vulnérables, règles d'enregistrement et de vérification des réductions d'émissions des pays en développement, cadre international de transfert de technologies faibles en carbone et protection de la propriété intellectuelle, marché de permis d'émission dans la perspective d'un marché international et instauration d'une taxe carbone. Le marché de permis d'émission est encore en phase expérimentale au Japon. Les gouvernements précédents avaient envisagé d'ouvrir ce marché en 2013, mais M. Hatoyama l'avancera peut-être à 2011.
« Show diplomatique »
Dans une note diffusée le 20 octobre par le 21st Public Policy Institute, un think tank nippon proche du milieu industriel, la nouvelle politique lancée par M. Hatoyama est vivement critiquée. L'auteur, Akihiro Sawa, professeur à l'université, y stigmatise ''un show diplomatique'' sur le changement climatique, assorti d'un affichage de chiffres aussi crus qu'intenables. Il regrette la disparition de la doctrine de maîtrise des émissions par approche sectorielle « bottom up » (où l'économie décide jusqu'où elle peut aller dans l'effort sans mettre en péril sa compétitivité), au profit d'une nouvelle perspective, fondée sur l'approche « top down », dictée par les traités internationaux et les préconisations des rapports du GIEC. Ironiquement, note cet auteur, l'approche « bottom up » était le point commun avec la politique de M. Obama aux Etats-Unis, qui, avant de conclure sur des objectifs internationaux, élabore un ensemble de mesures d'abord domestiques faisant consensus au sein de l'économie américaine en dehors du Protocole de Kyoto. L'administration de M. Obama mène des pourparlers bilatéraux avec la Chine, et le Président des Etats-Unis se rendra lui-même à Pékin à la mi-novembre, où il fera une annonce importante en vue de la conférence de Copenhague. Akihiro Sawa regrette que le Japon ne s'inscrive plus dans ces logiques bilatérales de réductions volontaires.
En ce qui concerne le critère d'équité mis en avant par le nouveau Premier Ministre japonais, le think tank industriel le considère aussi flou qu'injustifié. Selon la note de M. Sawa, le nouvel objectif de -25% par rapport à 1990 aurait un coût cinq à six fois plus élevé que celui de l'objectif de -15% par rapport à 2005 proposé en juin 2009 par le Premier ministre antérieur, M. Taro Aso. Comme les Etats-Unis, le Japon s'est jusqu'à présent fondé sur l'année de référence 2005, plus équitable à ses yeux que l'année 1990, avantageuse pour l'Union européenne et les Russes en raison de leur « hot air ». Les industriels japonais revendiquent par ailleurs une approche de réduction par secteurs internationaux d'activité, dans lesquels ils resteraient maîtres de la situation, compte tenu de leur savoir-faire. Cette approche a été portée par le Premier ministre Fukuda (du Parti libéral démocrate, conservateur) entre 2007 et 2008, ce qui lui a valu de vives critiques de la part des ONG lors de la conférence de Bali sur le climat en 2007.
En tout état de cause, les politiques climatiques au Japon ont jusqu'à présent été déterminées par le pouvoir économique, selon le chercheur de l'IDDRI Norichika Kanie, qui constate une séparation complète, au sein même du gouvernement japonais, entre environnement et économie.